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Quand la Chine cisèle sa propre blockchain

Chine
Crédit : Shutterstock

L’Empire du Milieu peaufine, depuis maintenant quelques années, sa propre blockchain baptisée BSN, pour Blockhain-based Service Network.

 

« Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Une maxime qui sied à merveille au positionnement « stratégique » de la Chine à l’égard de la blockchain. Si Pékin ne veut plus entendre parler des actifs numériques comme Bitcoin, les décideurs locaux n’en demeurent pas moins particulièrement férus de la technologie et de « l’architecture » sous-jacente à ces derniers. Dans un discours datant de 2019, le président Xi Jinping soulignait que la blockchain « représentait une percée importante dans l’innovation indépendante des technologies de base ». Ce laïus érigeait d’ailleurs la blockchain au rang de priorité nationale pour la Chine, au même titre que d’autres secteurs ô combien stratégiques, à l’instar des semi-conducteurs.

« Nous pensons que la technologie blockchain est si puissante qu’elle va changer tout l’internet et presque toute l’architecture du système informatique », souligne, grandiloquent, Yifan He, PDG de Red Date Technology, l’une des entités derrière la construction de la blockchain « nationale » chinoise – soutenu, cela va de soi, par le gouvernement- et baptisé BSN, acronyme pour Blockhain-based Service Network.

Cette dernière s’adresse notamment aux entreprises, en particulier à celles qui exploitent une infrastructure de cloud computing. Que ce soit un acteur de premier plan comme Amazon ou d’une entreprise de moindre importance qui gère son propre cloud ou intranet privé.

Si BSN lorgne l’international, cette doléance risque d’être tué dans l’œuf, en raison de ses liens avec les autorités chinoises. Outre la start-up Red Date, basé à Hong Kong, BSN dispose de liens étroits avec plusieurs entités gouvernementales chinoises à l’instar du centre d’information d’État (SIC) ou encore la puissante Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme (NDRC). Diverses « parties prenantes » qui rendent complexe un déploiement d’envergure à l’international, BSN ayant pris ses quartiers à Hong Kong et Macao, peu connus pour leur farouche opposition au régime chinois.

Une partie de l’intérêt de puissants acteurs internationaux pour BSN réside dans le fait que l’ambition de l’entreprise est sans limites. Mais cette ambition est à double-tranchant dans la mesure où BSN fait l’objet d’un examen particulièrement minutieux, de la part de ces mêmes acteurs, en raison de ses liens avec le gouvernement chinois », abonde Paul Triolo, responsable du volet technologique de la société de conseil Albright Stonebridge, dans les colonnes de CNBC.

Autre frein à l’envol sous des cieux plus cléments de BSN, le fait que cette blockchain n’envisage pas d’émettre son propre jeton, en raison de l’interdiction des crypto-actifs sur le territoire chinois. « Beaucoup de gens ne sont pas intéressés à cause de ce point », acquiesce Yifan He, PDG de Red Date Technology. En effet, mieux vaut être un excellent « contorsionniste » pour apprécier la position de la Chine à ce sujet.

« Il existe une incompatibilité fondamentale entre l’ambition déclarée de la Chine de soutenir un écosystème national de développement de la blockchain et la nature décentralisée de la technologie de la blockchain », a souligné, à CNBC, Garrick Hileman, responsable de la recherche chez Blockchain.com.

Un constat empreint de lucidité. Mais la Chine n’est plus à un paradoxe près.

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Samir Hamladji
Rédacteur et reporter - Journaliste pour plusieurs grands médias tels que LesEchos ou Challenges, Samir a été en charge de la rubrique Finance chez Forbes de 2016 à 2019. Il s'intéresse depuis plusieurs années à l'écosystème des crypto-monnaies et de la blockchain.