Alors que l’Assemblée nationale locale a entériné, le mois dernier, un projet de loi visant à réglementer l’usage des crypto-actifs dans le pays, le président du Panama refuse de le signer « en l’état », invoquant des manquements à la réglementation anti-blanchiment.
C’est non. Du moins pour le moment. Pays charnière engoncé entre l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud – à la fois frontalier du Costa Rica et de la Colombie- le Panama, par l’intermédiaire de sa représentation nationale, avait adopté, en avril dernier, un projet de loi régissant l’utilisation et la commercialisation de l’ensemble des crypto-actifs. Projet de loi qui n’attendait que l’imprimatur du président du Panama. Mais Laurentino Cortizo a finalement « relevé son stylo », invoquant des manquements concernant le volet anti-blanchiment de ce fameux projet de loi qui commence à faire couler beaucoup d’encre.
Avec les informations dont je dispose, à l’heure actuelle, je ne signerai pas cette loi. Je dois être très prudent si la loi contient des clauses liées aux activités de blanchiment d’argent. Les activités de lutte contre le blanchiment d’argent sont très importantes pour nous », a souligné, lors de la Bloomberg New Economy Gateway Latin America Conference à Panama City, le chef d’un État souvent épinglé au regard de son opacité en matière financière.
Pour rappel, l’organisme mondial de surveillance du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme a inscrit le Panama sur sa liste de « juridictions présentant des lacunes stratégiques » dans la lutte contre le blanchiment d’argent. L’administration de Cortizo s’est, dès lors, engagée à mettre en œuvre les recommandations du groupe de travail et à renforcer les contrôles en la matière. Le temps est, pour le moment, suspendu au Panama dans l’attente d’un veto total ou partiel de ladite loi de la part du président.
En vertu de cette nouvelle législation, (si elle est finalement validée par Laurentino Cortizo) les Panaméens disposeront de toute latitude pour utiliser les crypto-monnaies comme moyen de paiement pour toutes opérations commerciales dans le pays, du moment, cela va sans dire, que celles-ci sont autorisées par la loi, dont certains autres aspects restent à arbitrer, en plus des clauses anti-blanchiment.
Pour certains observateurs extérieurs, cette décision avait été accueillie, le mois dernier, avec moins d’enthousiasme, ces derniers craignant qu’une telle ouverture sur le front des crypto-actifs ne renforce le manque de transparence en matière d’investissements dans le pays, réputé pour son opacité en la matière.
« Le Panama était déjà dans une mauvaise posture (concernant la transparence ndlr) et ces méthodes de paiement, en l’occurrence les crypto-monnaies, ignorent les processus de diligence raisonnable que les organisations internationales demandent au Panama d’adopter », avait précisé à Reuters, à l’époque de l’adoption du projet de loi, Romain Dromard, directeur général de la société de conseil en investissement financier K&B Family Office.
Pour rappel, le Panama est en « bonne place » sur la liste des paradis fiscaux émise par l’Union européenne. Avec une fiscalité très élastique, le Panama est même considéré comme « le paradis des paradis fiscaux ». L’affaire des « Panama Papers », mettant en lumière les montages off-shore et complexes de nombreuses personnalités en a fourni une éclatante démonstration.
Toutefois, les crypto-actifs, aux yeux de leurs défenseurs, auraient le mérite et la vertu d’aider les personnes ne disposant pas de compte bancaire à davantage « participer à la vie économique de la cité ». En effet, si le taux de pénétration d’internet est assez élevé au Panama, seulement une personne sur 4 dispose d’un compte bancaire dit traditionnel.
Du côté des banques, l’enthousiasme était quelque peu plus nuancé. En effet initialement, pléthore d’entre elles s’étaient montrées assez réfractaires à l’adoption des crypto-monnaies, mais elles devraient désormais se montrer plus coopératives même si leur rôle, au sein de cette nouvelle législation, demeure encore assez flou. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, oscillent également entre scepticisme et défiance, étant peu enclines à embrasser des actifs aussi volatils.
Toujours est-il que le « nouveau chemin » du Panama est désormais entre les mains du président Laurentino Cortizo qui doit, pour la mise en application officielle de ce projet de loi, y apposer son paraphe. Mais celui-ci va encore devoir se faire attendre.
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