Le gestionnaire d’actifs spécialiste de la diversification de portefeuille évangélise les assureurs au Bitcoin grâce au fonds Tobam BTC-Linked and Blockchain Equity. Mais Tobam ne compte pas s’arrêter là. Entretien avec son directeur général délégué.
Contrairement à Skybridge Capital d’Anthony Scaramucci (ou à d’autres), Tobam n’a pas attendu 2020 et le boom du Bitcoin pour s’intéresser aux crypto-actifs, et au premier d’entre eux, Bitcoin.
Le gestionnaire d’actifs français (10 milliards de dollars sous gestion) s’est développé autour d’un positionnement reposant sur la diversification. Ses clients sont de grands institutionnels (60% des encours proviennent d’Amérique du Nord), et depuis 2016 également le retail via la gestion de fortune.
Un fonds Bitcoin ouvert dès novembre 2017
A cette même période, Tobam lance la gestion multi-asset. Et le gestionnaire examine de très près également Bitcoin, qui répond, souligne Christophe Roehri, son directeur général délégué, à son biais en faveur de la diversification.
Nous nous sommes intéressés assez tôt à cet objet non identifié qui s’appelle le Bitcoin. Par construction, il était intéressant à regarder. Mais en outre, il était extrêmement décorrélé de tous les actifs traditionnels dont nous avions l’habitude. Compte tenu de notre intérêt pour la diversification, il aurait été malheureux de ne pas considérer cet actif”, justifie le dirigeant.
En vérité, dès 2013, plus à titre personnel, des cadres de Tobam étaient acteurs du Bitcoin. Toutefois, le gestionnaire a jugé alors que la liquidité était trop réduite pour permettre la création de fonds sur le BTC. Il lui aura donc fallu attendre 2016 pour déclencher ce projet, qui aura nécessité recrutements, recherche académique et apprentissage technique et réglementaire.
En novembre 2017, Tobam lançait le premier fonds ouvert investissant sur le Bitcoin. L’entreprise se distingue ainsi d’un géant bien connu des fonds en crypto-actifs, Grayscale. A la différence, le Grayscale Bitcoin Trust est un fonds fermé, tient à souligner Christophe Roehri.
L’achat d’une part du fonds nécessite en particulier le paiement d’une prime. En résulte un écart en termes de performance avec celle de l’actif sous-jacent. Tobam tenait donc à se différencier et à récompenser les investisseurs choisissant de s’exposer au Bitcoin. Tobam n’a cependant pas été totalement récompensé à l’époque pour son initiative.
Rendre Bitcoin accessible au plus grand nombre
Les bénéfices sont bien là, malgré tout. « Depuis que nous avons lancé ce fonds, nous avons une capacité à répliquer le prix du Bitcoin bien meilleure que celle des autres acteurs. Néanmoins, nous avons été confrontés à une difficulté : le fonds est limité aux investisseurs qualifiés », explique le directeur délégué de Tobam.
Impossible donc de le mettre à disposition du plus grand nombre via le référencement du fonds sur des plateformes en ligne grand public comme Boursorama. La disponibilité auprès du retail est donc restée restreinte. En outre, ce fonds de droit français est arrivé « beaucoup trop tôt » pour les institutionnels européens.
Les années sont passées et la démocratisation des actifs numériques a fait un bond en avant depuis. Et compte tenu de la progression du cours du BTC depuis fin 2020, le fonds de Tobam (compensé en carbone depuis 2017) affiche des performances « extraordinairement bonnes », se félicite le gestionnaire. Celui-ci a donc jugé opportun d’étudier d’autres façons de rendre le Bitcoin accessible à tous.
La réglementation ne permet pas son intégration directe dans des fonds multi-asset. Le Bitcoin ne fait pas partie des actifs éligibles. La solution, c’est donc une exposition indirecte au travers d’autres actifs. Pour déterminer lesquels, Tobam a travaillé sur des niveaux de corrélation d’un très nombreux actifs.
Il s’agit d’actions cotées, celles d’entreprises impliquées directement dans l’écosystème Bitcoin, comme les mineurs et les exchanges. A cette catégorie s’ajoutent les actions de sociétés détenant du BTC. Les exemples les plus connus sont Tesla, MicroStrategy ou Square.
Un portefeuille multi-actifs et un fonds pour l’assurance-vie
Depuis plus de six mois, Tobam propose donc de s’exposer au Bitcoin via son portefeuille multi-actifs. Mais en parallèle, le gestionnaire a conçu un autre produit visant plus de clients finaux. Ce produit, c’est le Tobam BTC-Linked and Blockchain Equity, qui peut être souscrit via un contrat d’assurance-vie.
Le fonds combine 10% de Bitcoin, le maximum autorisé par la loi Pacte, et 90% d’actions corrélées au prix du BTC. C’est une première en France, tient à préciser Christophe Roehri. Et si le fonds ne réplique pas la performance du Bitcoin, il affiche cependant une corrélation de l’ordre de 80%.
Nous estimons être en mesure de délivrer deux-tiers de la performance du Bitcoin, à la hausse ou à la baisse, cela avec un niveau de risque d’environ deux-tiers de celui du Bitcoin, et enfin deux tiers des autres mesures de risque utilisées dans notre industrie”, ajoute l’expert.
Le fonds est lancé depuis le 23 septembre et tient à ce jour ses engagements, il est vrai sur une durée très brève. Ses performances seront maintenues à condition que l’écosystème Bitcoin et blockchain poursuive sa croissance. Mais déjà, les liquidités et les actifs éligibles augmentent en raison de l’exposition au BTC d’un nombre croissant de sociétés cotées.
Cependant, ce fonds ne peut être souscrit directement par des particuliers. Il doit être préalablement référencé par des assureurs. Tobam y travaille auprès des compagnies françaises. Les discussions pourraient aboutir dès cette semaine avec les premiers assureurs.
Des frilosités toujours, mais une réelle prise de conscience
Malgré la maturité à l’égard du Bitcoin et la demande croissante des clients des assureurs, Christophe Roehri reconnaît que tous ne sont pas prêts à sauter le pas. Certains invoquent ainsi un « risque de réputation ». Mais peut-être ces acteurs traditionnels souffrent-ils également d’un manque d’expertise en interne à l’égard des actifs numériques.
Tobam veut croire néanmoins que la prise de conscience et la confiance à l’égard du Bitcoin sont au rendez-vous. Pour autant, ajoute son représentant, « l’influence des comités de risque et des compliance officers continue de se faire ressentir dans toutes les grandes organisations ».
Rien de surprenant cependant. Le directeur délégué souligne ainsi que toutes les présentations de Tobam mettent en exergue le risque et la volatilité associés au Bitcoin. Mais pour ce dernier, le risque n’est pas le principal obstacle. C’est cette innovation qui reste encore bien souvent difficile à appréhender.
Tobam ne compte en tout cas pas s’arrêter là en matière de produits d’investissement incorporant de la crypto et/ou blockchain. Sans entrer dans les détails, le dirigeant annonce d’autres projets à venir au cours du 1er trimestre 2022.
D’autres produits crypto/blockchain en 2022
Dont des fonds liés à Ethereum ou d’autres actifs numériques ? Sans l’écarter, Christophe Roehri rappelle la thèse d’investissement « très forte » de Tobam sur le Bitcoin. Et cette thèse, c’est la conviction que Bitcoin « a la capacité à devenir le nouvel étalon de mesure de la valeur. S’il a le potentiel pour le devenir, son prix dépassera les 56.000 euros ».
« Une caractéristique de Bitcoin nous intéresse plus que tout, c’est la quantité limitée. Ce n’est pas le cas sur beaucoup d’autres coins. Notre conviction sur le Bitcoin est forte. Peut-on imaginer de faire autre chose ? Oui, absolument », reconnaît le dirigeant.
En revanche, il exclut de s’aligner sur la stratégie de certains acteurs du retail multipliant le nombre de crypto-actifs. « Ce qui est important pour nous, c’est de se construire une conviction sur la thèse d’investissement », insiste le cadre de Tobam.
Pour sélectionner les actifs, il rappelle également la dimension de la décorrélation, en plus de celle du risque et de la performance. Et en la matière, encore une fois, Bitcoin présente des atouts.
Avoir 1% ou 1,5% de Bitcoin dans un portefeuille diversifié actions/obligations n’augmente pas le risque du portefeuille total. Accéder à un nouveau moteur de performance sans augmenter le risque du portefeuille, c’est particulièrement intéressant dans un process d’allocation d’actifs”, conclut Christophe Roehri.