Lors d’une conférence sur la tokenisation de la finance, le gouverneur de la Banque de France a insisté sur l’importance de disposer d’une CBDC de gros. Cette monnaie vise à prévenir une large utilisation des stablecoins pour les règlements.
Les grands acteurs de la finance étaient réunis hier à Paris à l’occasion d’une conférence consacrée aux opportunités et défis de la tokenisation de la finance. BIS, BCE, BdF, FMI et Fed américaine étaient ainsi représentés.
Et leurs dirigeants ont de nouveau appelé à une régulation des crypto-actifs, mais aussi à soutenir l’innovation. Dans ce domaine, la monnaie numérique de banque centrale occupe une place importante.
Les crypto-actifs « ont libéré des dangers ancestraux »
Pour le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, les banques centrales ont un double rôle à tenir, celui d’ancres et de catalyseurs. Celui-ci vise à concilier stabilité financière et innovation.
Stabilité, car ces derniers mois, « plusieurs acteurs du monde des crypto-actifs (…) ont connu des difficultés ». Et ces déboires démontrent que « ces nouveaux outils de paiement et de finance ont libéré des dangers ancestraux, rendant nécessaire une régulation robuste du secteur ».
Mais innovation également car le « triangle des ruptures » associant nouveaux actifs, blockchain et infrastructures décentralisées offre « le potentiel de services plus rapides et moins coûteux ».
Et dans le domaine de l’innovation, la Banque de France revendique un rôle actif autour des usages de la blockchain depuis 2017. Ces initiatives vont se poursuivre, fait savoir Villeroy de Galhau.
Un euro numérique retail en 2026 ou 2027
Au niveau de l’Eurosystème, la BdF participe au projet de CBDC de détail. Le banquier central français souligne que l’euro numérique en est désormais à « mi-chemin » de sa phase d’étude. Un lancement potentiel en Europe est fixé à 2026 ou 2027.
En France, la banque centrale s’intéresse à une autre déclinaison de la CBDC (ou MNBC en français), à savoir sa version de gros ou wholesale. Moins médiatisée et suscitant peu l’intérêt du grand public, reconnaît Villeroy de Galhau, elle comporte pourtant « deux cas d’usage solides ».
Une CBDC de gros « pourrait contribuer de manière significative à l’amélioration des paiements transfrontières et en devises ». Elle présente également des atouts dans l’accompagnement de la tokenisation des titres.
Pour ces produits financiers tokenisés, la monnaie numérique remplirait une fonction « d’actif de règlement sûr et liquide de ces titres ». A défaut, les acteurs du marché pourraient enclencher « une utilisation large des prétendus stablecoins », prévient le gouverneur de la BdF.
Une CBDC wholesale plutôt que des stablecoins
Or, il en résulterait « un risque systémique », considère-t-il. Pour prévenir un tel scénario, redouté par les banquiers centraux, la BdF mène donc des expérimentations sur la MNBC de gros.
Cette monnaie européenne « pourrait arriver plus vite que prévu, avec l’entrée en vigueur prochaine du régime pilote européen début 2023 », souligne Villeroy de Galhau. Le régime permettra émission et trading de titres tokenisés.
Sans faire de promesses excessives sur cette MNBC pilote, nous devons saisir l’opportunité de tester diverses solutions à compter de 2023. L’apprentissage par l’expérience est le meilleur moyen d’acquérir des connaissances”, annonce-t-il.
Trois expérimentations en cours à la BdF
Dans cette perspective, la BdF mène trois nouvelles expérimentations, dont les détails seront éclaircis « au cours des prochaines semaines ». La banque centrale souhaite notamment approfondir l’utilisation de la CBDC wholesale pour les paiements transfrontières en travaillant sur l’interopérabilité entre ces monnaies et le recours à des technologies DeFi.
Parmi celles-ci, un outil de gestion de la liquidité, c’est-à-dire une plateforme de tenue de marché automatisée. La BdF indique avoir amélioré cette solution durant le premier semestre 2022.
Une autre expérimentation vise à s’emparer du régime pilote via l’utilisation de CBDC pour le règlement des titres tokenisés. « Elle implique l’émission et la distribution d’obligations tokenisées sur une blockchain », précise le gouverneur de la banque centrale française.
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