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Réglementation anti-blanchiment : Binance dans l’œil du cyclone

Crédit : Shutterstock

Considérée comme la plus importante plateforme d’échanges de crypto-actifs au monde, Binance se retrouve sous le feu nourri des critiques. L’entreprise dirigée par Changpeng Zhao aurait sciemment ignoré certains protocoles anti-blanchiment.

 

« Nous n’avons jamais intentionnellement caché des informations aux régulateurs ». Une assertion martelée avec vigueur, en octobre 2021, par Changpeng Zhao, maître d’œuvre de l’exchange Binance dont la réussite fulgurante a suscité l’admiration de l’ensemble de l’écosystème crypto. Seulement voilà, Reuters, au terme d’une enquête fouillée, a pointé du doigt certaines « largesses » pour ne pas dire un certain laxisme de la plateforme en matière de réglementation. Notamment sur ces sujets de première importance comme la vérification des antécédents de certains clients dits « sensibles ». Sous -entendu, des clients dont un large faisceau de présomptions laisserait entendre qu’ils s’adonneraient à des activités de blanchiment d’argent.

L’agence de presse britannique affirme que plusieurs hauts cadres -passés et actuels- de l’exchange, comme le directeur de la conformité, Samuel Lim, ou encore l’ancienne responsable des thématiques relatives au blanchiment d’argent au sein de la plateforme, ont tiré la sonnette d’alarme. Ces deux personnalités s’inquiétaient, en effet, de la faiblesse des contrôles de certains clients dits sensibles, comme susmentionné. Trois anciens cadres de Binance ont également affirmé à Reuters avoir fait part de leurs suspicions et de leurs inquiétudes à Zhao en personne. Le dirigeant aurait purement et simplement ignoré leurs inquiétudes.

Outre ce « ghosting » en bonne et due forme dont Binance serait coutumier, la plateforme renâcle également à fournir des informations aux autorités de régulation. En effet, Reuters, rappelle qu’à au moins quatre reprises, l’exchange a refusé de fournir des réponses détaillées sur ses opérations à la demande des autorités financières et des partenaires commerciaux.

Même « l’atteinte à la sécurité nationale » ne semble pas émouvoir outre-mesure Binance après que la police allemande a sollicité des informations au sujet de deux hommes soupçonnés d’avoir aidé un homme armé islamiste qui a tué quatre personnes à Vienne en novembre 2020. L’un des hommes a effectué des transactions non précisées sur l’exchange, selon une lettre de la police consultée par Reuters.

Preuve supplémentaire, s’il en fallait une, du manque « d’implication » – doux euphémisme- de la plateforme dans la lutte contre le blanchiment, le fait d’avoir agi à l’encontre de son propre service de conformité. En effet, en dépit des préconisations de ce dernier, Binance aurait continué, selon les informations de Reuters, à recruter des clients dans sept pays « à risques », dont la Russie et l’Ukraine. Fort de ces éléments, le « dossier Binance » commence à prendre de l’épaisseur.

Surtout si l’on y ajoute les conditions « opaques » relatives à l’installation avortée, en 2018, de l’exchange sur l’île de Malte. Un pays qui ne brille pas par sa transparence, notamment en termes de fiscalité. Zhao, désireux de trouver une terre d’accueil après les premiers éléments faisant état de la volonté de la Chine de bouter les cryptos hors de son territoire, avait jeté son dévolu sur l’île méditerranéenne. Et si, dans un premier temps, en vertu des « spécificités » de Malte en matière réglementaire, le milliardaire semblait avoir trouvé son bonheur, il va vite déchanter.

Pourtant la romance avait commencé sous les meilleurs auspices, les autorités maltaises, désireuses de faire de Malte « l’île de la blockchain » accueillirent à bras ouverts l’idée d’une installation de Binance sur leur sol, même si l’exchange n’était pas (encore) la puissance-régnante de la crypto-sphère qu’elle est devenue aujourd’hui. Zhao, dans l’euphorie du moment, avait même promis que Binance collecterait des dons pour les patients locaux atteints de cancers. Mais le dirigeant va vite tourner casaque après avoir constaté que ses a priori sur la « réglementation élastique » de Malte n’étaient pas vraiment avérés.

Le patron de Binance s’est, en effet, rapidement inquiété de la vigueur des protocoles anti-blanchiment et du niveau d’informations financières à fournir pour prendre ses quartiers sur île. Moins d’un an plus tard après « l’arrivée en grandes pompes » de Binance à La Valette, l’exchange quittait Malte par la petite porte. Ses « dons » pour les malades du cancer en bandoulière. Invité à réagir à cette enquête fleuve et fouillée, Zhao n’a, sans surprise, pas donné suite. Mais un porte-parole de Binance a tenté d’allumer un contre-feu, fustigeant les méthodes de Reuters.

Celui-ci, a déclaré que les informations de Reuters étaient « extrêmement obsolètes » et – à plusieurs endroits – « carrément incorrectes ». Les représentants légaux de Binance ont déclaré que les documents examinés par Reuters étaient « partiels et ne reflétaient pas avec précision l’image complète de la manière dont les décisions relatives à des problèmes très graves ont été prises par notre client ». Une « défense » qu’il va falloir muscler quelque peu. A moins que Binance, fidèle à sa ligne de conduite, choisisse d’ignorer ces accusations.

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Samir Hamladji
Rédacteur et reporter - Journaliste pour plusieurs grands médias tels que LesEchos ou Challenges, Samir a été en charge de la rubrique Finance chez Forbes de 2016 à 2019. Il s'intéresse depuis plusieurs années à l'écosystème des crypto-monnaies et de la blockchain.