Avec Simplon, Binance devait démocratiser la blockchain en France et former 10.000 personnes. Une enquête du Financial Times épingle une opération marketing, en infraction avec la législation, et le soutien politique français à la bourse crypto.
Il n’est sans doute pas simple d’être au service communication et marketing de Binance ces derniers mois. L’image de la première bourse de cryptomonnaies est sérieusement écornée. Aux États-Unis, ses pratiques lui valent une amende de plus de 4 milliards de dollars.
Quant à CZ, pendant la période faste du bullrun, il rencontrait dirigeants d’entreprise et politiques, dont Emmanuel Macron en France en 2021. Il est désormais interdit de quitter le territoire américain et risque une peine de prison.
L’État français en quête d’investissements étrangers
Pour le Financial Times, il n’y a pas que sur le KYC et la lutte contre le blanchiment d’argent que Binance s’autorise des libertés. Le site consacre une enquête aux aventures françaises de l’exchange et à l’accueil privilégié accordé par l’État.
En novembre 2021, le gouvernement sortait le tapis rouge pour CZ et son entreprise, qui annonçait 100 millions d’euros d’investissement et l’établissement d’un siège à Paris. Installation permise notamment par des centaines de visas Tech accordés par l’exécutif.
Outre l’argent et pour s’attirer les faveurs des décideurs français, Binance promettait aussi des formations gratuites et un enregistrement PSAN – obtenu en 2022 auprès de l’AMF, dont une de ses expertes juridiques avait été recrutée.
Stéphanie Cabossioras ne sera restée qu’un peu plus d’un an chez Binance. Avant la condamnation aux États-Unis, l’ex-directrice de la conformité, puis directrice générale adjointe, a démissionné de ses fonctions.
Des formations prétextes pour recruter des clients ?
Binance France est donc épinglé par le FT pour ses cours gratuits. Pour délivrer des formations à 10.000 personnes, la firme s’était adossée à Simplon au travers d’un partenariat pédagogique. Réputé en France, Simplon bénéficie notamment du label Grande École du numérique.
Ce partenariat n’est vraisemblablement plus d’actualité. Simplon n’en fait plus mention sur son site. Les informations rapportées par le journal anglais à son fondateur Frédéric Bardeau pourraient expliquer la distance prise par le spécialiste de la formation.
Notre mission était de faire comprendre et aimer la blockchain et tous ses cas d’utilisation au-delà de la crypto », déclare-t-il. « Pas de faire du mélange des genres et de la vente forcée », poursuit le fondateur.
« Le lendemain de l’entretien, le contenu promotionnel concernant le partenariat avec Binance avait disparu de la page d’accueil de Simplon », constate la journaliste du FT.
Des charges qui s’alourdissent pour Binance
Le programme de formation, délivré au final auprès de moins d’une centaine de participants, aurait davantage poursuivi des objectifs commerciaux que pédagogiques.
Une source anonyme précise que l’indicateur suivi par l’entreprise était le nombre de clients recrutés. Or, rappellent des juristes interrogés, Binance est dans l’interdiction de mener des opérations de démarchage actif en France sous peine d’amende (37.500 euros).
L’entreprise ne pouvait l’ignorer. D’autant qu’elle est déjà au cœur d’une enquête pour promotion illégale suite à la plainte de 15 investisseurs – en plus d’investigations pour blanchiment.
Cette nouvelle affaire, qui reste cependant à éclaircir, ne devrait pas redorer l’image de Binance. Mais pour le quotidien américain, les dernières actualités ne semblent pas conduire à ce stade à une remise en cause de la confiance accordée par les décideurs politiques français à l’entreprise.
Le silence du gouvernement et de sa majorité ne serait-il pas avant tout un moyen de se préserver de toute autocritique, une pratique peu appréciée des politiques et de leurs communicants ?
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