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Fipto lève 15M€ pour bousculer les paiements et la trésorerie crypto

Les cofondateurs de Fipto

Startup B2B de l’univers crypto, le Français Fipto lève 15 millions d’euros en seed. Son ambition : exploiter la blockchain pour faciliter les paiements des entreprises, mais aussi leur simplifier la gestion d’actifs numériques. Entretien avec son cofondateur et CEO Patrick Mollard.

 

L’hiver crypto est peu propice a priori aux levées de fonds. En outre, selon le baromètre 2023 de France Digitale et EY, les startups basées en France ont peiné au premier semestre à convaincre les investisseurs. Face aux réticences, 7% ont d’ailleurs préféré jeter l’éponge.

C’est donc dans ce contexte que la startup Fipto se distingue en annonçant une levée de fonds en amorçage d’un montant de 15 millions d’euros. Pour ce tour de table, la jeune pousse hexagonale peut compter notamment sur le soutien de Serena et de Motier Ventures.

Des professionnels de la banque et des paiements à la barre

Opération réussie donc pour les fondateurs de Fipto après une création en mars 2022 et une beta amorcée seulement en juin dernier (quand la V1 est imminente). Il est vrai qu’ils disposent de plusieurs arguments non négligeables pour convaincre.

D’abord un positionnement purement B2B, plus à l’abri donc du bear market et de ses effets. C’est aussi une solide expérience de ses dirigeants dans l’univers des paiements, un secteur mature mais que la blockchain pourrait transformer.

Enfin, pour séduire les investisseurs et la clientèle Business-to-Business, Fipto s’appuie sur un produit à deux têtes axé donc sur les paiements internationaux et la gestion de trésorerie (composée naturellement d’actifs numériques).

Des APIs pour s’intégrer aux applications des clients

Ce produit bicéphale a en outre pour lui un fonctionnement sur la base d’APIs, permettant son intégration dans les applicatifs existants des entreprises – et ce même si Fipto a développé un front Web, le premier client des API.

Cette porte d’entrée fait office de passerelle d’accès au service et aux fonctionnalités. Et comme le confie Patrick Mollard, le CEO et cofondateur de la startup, un front était un passage obligé, celui-ci remplissant le rôle de vitrine pour convaincre utilisateurs et investisseurs.

A ce produit, l’entreprise a donc consacré des efforts conséquents depuis un an. Sur les 30 collaborateurs qu’elle emploie, 20 sont dédiés au développement du produit et à la R&D.

Agréments PSAN et d’établissement de paiement

La conformité est un autre incontournable dans cette industrie. Fipto (anciennement Numias) est enregistré PSAN et annonce son ambition d’obtenir l’agrément au plus tôt, sans attendre donc la fin de la période transitoire de 18 mois prévue par MiCA.

Nous serons dans l’anticipation. D’ailleurs, notre solution tient déjà compte de contraintes réglementaires, comme la demande d’informations introduite par la Travel Rule. Cela participe de notre volonté de réassurer nos clients corporate sur la conformité et la sécurité. Ce sont des enjeux clés pour nous », déclare Patrick Mollard.

La startup a d’autres chantiers réglementaires en cours, dont une demande d’agrément en tant qu’établissement de paiement pour couvrir le volet on et off-ramp. Agrément qui « est passeportable dans toute l’Europe ». Fipto intègre en effet les actifs numériques dans un périmètre plus large, celui des paiements.

Des services pour les acteurs Web3, Tradis et pure-players

La typologie de clients visés est de fait plurielle. A ce jour, une « dizaine de clients à été onboardée. Nous en sommes au début du test de nos cas d’usage », précise le CEO. Les profils sont divers avec notamment le logisticien Argo Freight dont la problématique est la rapidité d’exécution des paiements et la transparence.

Pour cette clientèle, Fipto met en avant l’intérêt de sa solution orientée efficacité des paiements internationaux « sur des corridors complexes ». En parallèle, la startup s’adresse aux pure-players du Web3 et aux entreprises traditionnelles développant leur activité dans ce secteur, par exemple via la vente de NFT.

Pour les premiers, les natifs Web3, le service de Fipto répond à un besoin de gestion de multiples actifs numériques. Une société de conseil cliente est ainsi rémunérée en tokens. Dans ce cadre, elle procède fréquemment à du swap entre jetons et à « de l’off-ramping pour payer les salaires, le loyer ou autre en monnaie traditionnelle ».

Sur un plan commercial, la startup cible en priorité le marché européen.

Nos clients seront européens, notamment pour des raisons réglementaires. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas des flux financiers à gérer avec d’autres géographies plus lointaines. »

Les corridors complexes : cas d’usage pour la blockchain

Fipto ambitionne aussi de se rapprocher d’autres experts des paiements, des PSP, pour leur proposer d’intégrer ses rails de paiement afin de compléter leur offre.

Il pourrait s’agir de PSP très forts sur le paiement Euro/Euro et qui auraient besoin d’une solution pour faire du paiement à l’international et sur des corridors complexes », indique Patrick Mollard.

Fintech PSP, corporates avec des flux sur l’international (et complexes donc) et sociétés en quête de croissance sur le Web3 (traditionnelles ou pure-players) constituent des cibles privilégiées pour la jeune entreprise.

Plus de la moitié des entreprises du CAC40 et du SBF120 travaillent sur des initiatives Web3. Et dans ce cadre, elles ont besoin de gérer des monnaies digitales, les recevoir, les émettre, mais aussi les stocker, les monitorer et les changer en cas de besoin », souligne le patron.

Pour ces opérations de trésorerie, Fipto embarque des fonctionnalités spécifiques et en particulier « toute la couche de gouvernance à laquelle sont habituées les sociétés : multisignature, threshold, communication de l’information financière pour les auditeurs… Nous apportons toute cette couche à nos clients ».

Un pont entre le monde fiat et celui de la crypto

La concurrence n’est pas inactive cependant, en particulier sur les paiements. Le domaine est par exemple une priorité stratégique pour Coinhouse, dont un ex-collaborateur a rejoint Fipto. Il faut compter aussi avec Ripple, qui dispose de son propre jeton.

Notre parti est d’être agnostique sur le sous-jacent que les clients voudront utiliser (…) Notre objectif est de permettre le bridge entre le monde fiat, traditionnel, et celui des actifs numériques. La plus-value de Fipto, c’est aussi son expertise dans les paiements, la sécurité et la conformité, essentielles pour la réassurance à l’égard de nouveaux outils », défend le CEO.

La startup parie sur ses différenciateurs, mais aussi l’apport de la blockchain par rapport aux limites des solutions existantes, Swift et le réseau de banques correspondantes en premier lieu.

Ces technologies ne « fournissent pas un service au niveau des attentes des clients toujours plus fortes en ce qui concerne l’instantanéité ».

Avec la blockchain, Fipto entend donc mettre à disposition « un rail de paiement additionnel ». Car bien sûr, tout n’est pas défectueux dans les systèmes actuels.

Les corridors principaux fonctionnent. On paie très bien en dollar ou en euro. Sur d’autres, plus complexes, nous pouvons ajouter de la valeur ajoutée grâce à la technologie. »

Un rêve américain en pause : la faute à la réglementation

L’ambition est définie. La levée de fonds vise à la servir au travers de plusieurs objectifs. Le premier est celui de la validation des différents cas d’usage proposés afin « d’accélérer en 2024 sur celui qu’on aura décidé de prioriser ».

Cette étape permettra ensuite d’arrêter une cible commerciale plus précise sur l’Europe. A l’international, la startup « prépare » aussi son développement sur le marché américain. Le « contexte réglementaire »  a toutefois conduit Fipto a retarder son implantation.

Nous prenons nos marques et nous observons ». Une inflexion de la politique de la SEC à l’égard de la crypto pourrait sans doute jouer le rôle de déclencheur.

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr