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Monoprix veut « rapprocher les NFT du monde du retail », selon son directeur digital

Ferdinand-Tomarchio
Ferdinand Tomarchio, directeur digital, data et informatique de Monoprix et directeur digital du groupe Casino

Acculturer en interne, tester des ventes en ligne et confronter sa clientèle en magasin aux NFTMonoprix a lancé en 2022 plusieurs expérimentations Web3. D’autres cas d’usage sont à imaginer, sans aller trop vite pour ne pas perdre le client. Entretien avec Ferdinand Tomarchio, directeur digital, data et informatique de Monoprix et directeur digital du groupe Casino.

 

Monoprix est en exploration sur les usages des NFT et leur démocratisation auprès des consommateurs. En avril, l’enseigne de retail lançait sa première collection de jetons non fongibles. Pour cette opération 100% en ligne, Monoprix s’associait à deux créateurs : le chef pâtissier Yazid Ichemrahen et le designer Vincent Darré.

Selon Ferdinand Tomarchio, directeur digital, data et informatique de l’entreprise, « il s’agissait ainsi de mettre le pied dans cet univers. En interne, tout le monde ignorait ce qu’était un NFT et seuls quelques geeks possédaient un wallet crypto comme un Metamask. »

Démocratiser les NFT auprès des clients et collaborateurs

« Nous avons fait du NFT à la manière de Monoprix », poursuit-il. Cela signifie donc un lien direct avec l’univers du retail et les produits commercialisés par l’enseigne. La finalité était de démocratiser en interne, mais également auprès des consommateurs en « facilitant l’accès aux NFT à nos clients ».

Le résultat, c’était un site Web reprenant les « codes du digital » et permettant aux internautes de minter des jetons. Ce parcours en ligne était ainsi l’opportunité pour Monoprix de présenter les principes des NFT et le processus de création de ces tokens.

Charge ensuite aux utilisateurs intéressés par l’achat de ces NFT (au standard Ethereum) de créer eux-mêmes un wallet Metamask pour la conservation de ces actifs numériques. Cette étape constitue encore souvent un frein technique à l’adoption, sur laquelle Monoprix n’a cependant pas fait l’impasse pour cette première expérimentation.

L’objectif était d’embarquer nos clients, nos créateurs, mais aussi nos collaborateurs. J’ai organisé de nombreuses réunions sur le sujet des NFT pour les décrire et en détailler le fonctionnement. J’ai mené ce travail aussi auprès du juridique lorsqu’il a fallu écrire les CGV. Et généralement, mes interlocuteurs partaient de zéro. Nous avons dû révolutionner beaucoup de process dans l’entreprise. Et c’était passionnant « , témoigne Ferdinand Tomarchio.

Des startups Web3 pour concevoir des parcours simples

Après ce « succès relatif », le Groupe Casino et Monoprix ont donc décidé de poursuivre ses expérimentations, mais cette fois au travers d’actions sur le terrain, c’est-à-dire en magasins. En juillet, l’enseigne organisait ainsi des ateliers dans un de ses magasins. Elle mettait en outre en place des corners éphémères NFT munis de bornes dans quelques boutiques.

Cette deuxième étape visait « à aller au-delà dans la démocratisation des NFT en mettant nos clients en contact avec ces produits dans nos magasins. » Pour cette nouvelle phase, Monoprix a cette fois décidé de masquer la complexité technologique sous-jacente en concevant des parcours d’achat accessibles.

Cette barrière a été levée grâce à des partenariats avec des startups du Web3, la collection NFT RudeKidz, Ownest pour la conception des bornes et du parcours. Adieu donc Metamask, remplacé par un wallet numérique custodial embarqué dans l’application mobile.

Les ateliers d’acculturation en magasin ont eux été préparés et réalisés par Keyrus, un cabinet de conseil en Digital et Data. Cette opération a permis de vendre des NFT, mais moins que lors de la vente réalisée sur Internet. Cependant, l’ambition résidait davantage dans un objectif pédagogique et expérientiel

Tester les usages NFT : presque un devoir pour Monoprix

Le directeur du digital en tire un bilan positif, notamment en termes d’image. Monoprix a pu démontrer aux consommateurs sa capacité à s’emparer des technologies et usages émergents.

Avec ces tests, nous ne cherchons pas à ce stade à développer une nouvelle ligne de revenus. L’objectif est d’expérimenter, et aussi d’incarner l’image d’une marque qui vient démocratiser des nouvelles tendances, dans nos lignes de produits et les usages commerciaux. Et les NFT en font partie. »

« C’était presque un devoir pour une enseigne comme Monoprix de s’intéresser aux usages des NFT et de tester. Nous restons humbles à court terme, et n’avons pas encore dans notre roadmap des ambitions plus poussées, comme mener des entretiens d’embauches dans le métavers, par exemple. Nous sommes plus humbles », poursuit le dirigeant.

Apprendre en interne, tester des ventes en ligne et confronter sa clientèle en magasin aux NFT… Monoprix gagne en maturité sur le Web3. Et l’entreprise profite de cette expérience acquise pour mener d’autres projets au niveau du groupe. La Nouvelle Cave, spécialisée dans le vin, a droit elle aussi à son expérimentation NFT, avec un lien direct avec des produits physiques.

Du vin à la tokenisation de la fidélité

Au travers « de ce cas le plus retail de tous », l’entreprise propose en magasin et en ligne d’acquérir des NFT. Les jetons correspondent à un titre de propriété sur des grands crus vendus par la Nouvelle Cave. Ces NFT peuvent être convertis en prenant possession des vins associés, être transférés, vendus au secondaire ou conservés.

Ces projets s’inscrivent dans une séquence de tests qui rapproche le monde du retail des NFT, mais aussi de nos clients que nous prenons par la main dans la découverte des NFT », résume Ferdinand Tomarchio.

« Nous pourrions aller très loin, très vite, très fort, mais je pense que nous laisserions nos clients sur le bord de la route », souligne-t-il. Monoprix préfère donc avancer par étape, et acculturer en interne comme en externe pour être en phase avec le niveau de maturité des consommateurs.

Quid à présent de la 3e étape pour l’enseigne ? Les initiatives sont encore à imaginer. Dans un exercice de prospective, le cadre de Monoprix imagine, par exemple, un test en magasin autour d’un produit digitalisé utile au client. La tokenisation appliquée à la fidélisation intéresse également le secteur du retail.

Un avenir à la Bored Ape appliqué au retail ?

Le « succès » sur le vin associé aux NFT permet aussi d’imaginer des partenariats s’appuyant « sur le savoir-faire de Monoprix autour de la création et du luxe […] Peut-être que Monoprix peut créer le Bored Ape du magasin. » Mais pas dans les prochains mois. L’émergence de nouveaux cas d’usage nécessitera du temps, notamment pour faire progresser le niveau de compétence des équipes.

Le prochain use case que nous testerons ne sera un succès que s’il est porté par des personnes dont les NFT et le Web3 ne sont pas la première appétence », considère Ferdinand Tomarchio.

L’adoption des usages et des technologies, comme des wallets crypto, requiert du temps et l’atteinte d’un niveau suffisant de démocratisation. L’installation d’un écosystème de startups est aussi nécessaire pour faciliter les usages et les rendre, pourquoi pas, aussi simples que le paiement sans contact.

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr