La banque centrale et l’ACPR suivent de près le développement de la finance tokenisée, en raison de son impact sur leur rôle et activité. Pour Denis Beau, premier sous-gouverneur, la BdF restera un pilier de la confiance.
L’actualité des deux dernières années et les annonces des grands de la finance traditionnelle le confirment : la tokenisation de l’industrie est en marche. Cette semaine, Société Générale annonçait son premier emprunt en DAI sur MakerDAO. Quant à BNP Paribas Asset Management, sa priorité en 2023 est la distribution de ses fonds au format security tokens.
Denis Beau, premier sous-gouverneur de la Banque de France, dans un discours à New York, le constate : « la tokenisation s’appuyant sur les technologies de registre distribué (…) pourrait constituer un nouveau tournant » dans le secteur.
La tokenisation moteur de transformation, mais…
L’emploi du conditionnel ne traduit pas cependant une minimisation de son impact. Le cadre de la banque centrale estime en effet que la tokenisation constitue un des « grands moteurs de transformation de notre paysage financier ».
Denis Beau souligne néanmoins que l’écosystème des crypto-actifs est loin d’être assez important pour menacer le rôle dominant de la finance classique. Du moins pour le moment, ce qui justifie « de rester vigilant ».
Mais si la BdF suit ce mouvement, c’est aussi en raison de « l’impact ambivalent » potentiel de la tokenisation sur le système financier, et plus particulièrement son efficacité et sa stabilité.
Malgré « un bon rapport coût-efficacité », par exemple, la tokenisation pourrait rimer avec risque de fragmentation des processus, et cela faute d’interopérabilité.
Hausse des risques opérationnels tirée par la blockchain
En ce qui concerne la stabilité, le scénario relève encore de l’anticipation. L’écosystème des actifs numériques « n’est pas suffisamment important et interconnecté pour menacer la stabilité de l’ensemble du système financier », analyse Denis Beau.
Ainsi, les évènements de 2022, comme la chute de Terra-Luna, puis la faillite de FTX, ont eu un « impact limité sur la finance traditionnelle ». En revanche, les effets de contagion négatifs dans la finance crypto ont eux été « importants ».
Le sous-gouverneur de la banque centrale met donc en garde contre des risques découlant de la tokenisation, dont l’accroissement des « risques opérationnels, en particulier les risques cyber ».
La « tokenisation de la finance crée de nouveaux points de vulnérabilité » pour la finance, considère-t-il. Dans la crypto-finance, ces failles sont déjà prégnantes, comme le démontre la forte activité cyber en 2022.
La finance tokenisée a toujours besoin de confiance
Efficacité et stabilité ne sont pas les seules préoccupations des banques centrales. La tokenisation affecte aussi leurs rôles et activités. Au risque de les disrupter ? Pas de l’avis de Denis Beau, avec au contraire un rôle d’intégration de la finance tokenisée dans un cadre réglementaire.
Thème cher aux banquiers centraux, leur rôle est aussi celui de garantir la confiance. Ce « qui ne change pas dans le secteur financier c’est le besoin de confiance », considère le sous-gouverneur français.
Denis Beau défend ainsi une « conviction » : les tiers de confiance, les banques centrales et les superviseurs, ne peuvent être remplacés par une confiance algorithmique, soit des règles codées et embarquées dans des smart contracts.
La MNBC indispensable face aux risques de contrepartie
Ces acteurs, « ne sont, de mon point de vue, pas près de disparaître… », déclare-t-il. Et pour s’en assurer, les banques centrales peuvent, se doivent même, de « jouer un rôle opérationnel positif en revisitant les services de monnaie ».
A la Banque de France, cela se traduit par des travaux autour de la CBDC, ou MNBC en français. La monnaie numérique de banque centrale est jugée essentielle pour se prémunir « contre les risques de contrepartie inhérents à d’autres actifs de règlement tokenisés privés ».
La tokenisation peut être une bénédiction ou une malédiction pour le fonctionnement du système financier. Je suis convaincu que nous pouvons collectivement en tirer le meilleur parti si nous veillons à ce que son développement se fasse au sein d’un cadre de confiance dans lequel une bonne réglementation a un rôle important à jouer », conclut Denis Beau.
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