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L’AMF exige des preuves supplémentaires d’utilité à la Crypto

La nouvelle présidente de l’AMF promeut les atouts de la tokenisation pour la finance traditionnelle, mais la distingue aussi de l’industrie des actifs numériques, appelée à démontrer son utilité.

 

« La technologie blockchain constitue pour nous une priorité pour permettre le développement d’un écosystème innovant », déclarait ce matin la présidente de l’AMF, Marie-Anne Barbat-Layani, en ouverture du Forum Fintech.

Cette priorité s’applique à la transformation des titres financiers traditionnels comme aux actifs numériques, c’est-à-dire les cryptomonnaies. L’Autorité ne cache pas sa préférence pour la finance classique, son « cœur de métier historique ».

La perception à l’égard de la crypto radicalement différente

Pour expérimenter dans ce secteur de la finance, l’Europe a mis en place le régime pilote. Ce cadre autorise des opérations de tokenisation grâce à une entrée en application en mars 2023. Marie-Anne Barbat-Layani en salue « le caractère résolument pro-innovation ».

Les entreprises sont encouragées à s’en saisir, ce qu’elles tardent encore à faire, reconnaît une dirigeante de la banque de France, évoquant un démarrage « diesel » de ce régime pilote. La tokenisation a néanmoins la cote et bénéficie d’un accueil favorable des autorités.

Les crypto-actifs ou actifs numériques sont accueillis plus fraîchement. Le monde crypto et sa perception « ont radicalement changé en un an », souligne la patronne de l’AMF. La faillite de FTX a soulevé de nombreux questionnements.

A présent, les interrogations portent sur les circuits de financement du terrorisme, fait-elle remarquer. Les liens entre crypto et terrorisme sont remis au goût du jour par l’actualité au Proche-Orient.

Et pour Marie-Anne Barbat-Layani, ce sujet méritera très prochainement de s’y pencher. Se dessine à l’horizon un durcissement de la régulation. Mais pour la dirigeante, d’autres obligations attendent l’univers crypto.

La crypto doit prouver son utilité

Selon elle, le monde crypto est attendu sur sa capacité à respecter la réglementation. L’AMF y ajoute une autre prérogative : « démontrer encore davantage son utilité économique et sociale », et cela sur quatre dimensions.

La première, c’est la contribution de la crypto à l’économie et à la création d’emplois. Bear market oblige, la tendance est plus à la contraction des emplois, à l’image du Français Coinhouse. En 2022, il levait 40 millions d’euros. Un an plus tard, il se sépare du tiers de ses effectifs.

La présidente de l’AMF souhaite en outre que la crypto démontre sa contribution au financement des entreprises et de l’économie.

Nous sommes un peu déçus, à ce stade, par le peu de développement des ICO sur lesquelles reposaient d’importants espoirs », réagit-elle.

Le troisième indicateur : la contribution au monde de l’investissement et à la protection des investisseurs. Les épargnants sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à saisir le service des plaintes de l’AMF.

La crypto n’échappera pas non plus à la contribution à la transition environnementale. Davantage d’investissements sont nécessaires pour financer cette transition.

Le monde des crypto ne peut pas rester à l’écart », d’autant que l’impact environnemental de sa technologie « est questionné ».

Agrément MiCA : tous les PSAN n’y parviendront pas

L’agrément obligatoire pour les PSAN à compter de décembre 2024 ne répond qu’en partie à ces attentes. Le régime européen MiCA « est une condition du retour de la confiance des investisseurs et des épargnants ».

En trois ans, l’AMF a enregistré près d’une centaine de PSAN, pour un seul agrément (SG-Forge). Et le mouvement s’est accéléré en 2022 avec le doublement des enregistrements.

Si on regarde la réalité en face, cet écosystème se trouve, au niveau réglementaire, à la croisée des chemins », considère Marie-Anne Barbat-Layani.

Car l’agrément MiCA constitue « une marche importante à franchir » et « honnêtement, nous ne sommes pas certains que tous les acteurs enregistrés auprès de l’AMF auront les moyens de passer ce cap ».

Ils devront pourtant y parvenir, au plus tard fin juin 2026, pour les PSAN servant exclusivement une clientèle française. AMF et ACPR les accompagneront dans cette étape jugée « cruciale dans la protection des investisseurs ».

La protection constitue « le parent pauvre de la réglementation », regrette la présidente de l’Autorité.

La protection des investisseurs, parent pauvre de la régulation

Sur le volet réglementaire toujours, des évolutions se préparent, comme le mentionnait un peu plus tôt François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et président de l’ACPR.

Avec MiCA 2, « que nous sommes de plus en plus nombreux à appeler de nos voeux », les autorités veulent traiter les conglomérats crypto et la DeFi. En France, se met en place un groupe de travail sur la DeFi.

Mais sur la finance décentralisée, ou désintermédiée comme lui préfère le gouverneur de la BdF, une coopération internationale est nécessaire, note la présidente de l’AMF.

L’Autorité a ainsi participé aux travaux de l’OICV – dont le rapport est ouvert à la consultation. Ce document formule 9 recommandations.

Une fois finalisées, ces recommandations doivent fournir, comme elles l’ont fait en leur temps pour les crypto-actifs, une approche réglementaire claire et cohérente à mettre en œuvre à l’échelle mondiale dans les différentes juridictions pour ces activités de finance décentralisée. »

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr