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Après la hype, les NFT en marche vers la professionnalisation

Matinale DeFi de France Innovation
Matinale DeFi de France Innovation

L’euphorie des NFTs a pris fin avec le bear market, mais pas les usages. Les professionnels français du secteur se déclarent confiants sur le long terme. Attention cependant à ne pas asphyxier l’entreprenariat, préviennent-ils.

 

La hype est terminée. Du moins peut-être pour les usages les plus spéculatifs de ce marché émergent. A l’image des crypto-monnaies, la valeur des NFT a reculé en 2022 dans un contexte de bear market.

Néanmoins, les entreprises des secteurs traditionnels, dont ceux de la mode ou du luxe, ont été nombreuses à lancer des initiatives NFT. Citons par exemple Nike, Lacoste, Adidas, Puma, Decathlon ou Gucci.

Un optimisme fondé sur les cas d’usage

A l’avenir, pourraient aussi se développer des usages des NFT axés sur la finance et plus uniquement sur le développement de communauté ou la fidélisation. Une chose est certaine pour les professionnels français de la crypto réunis par Finance Innovation : les jetons non fongibles ne sont pas enterrés.

Olivier Lemoine, directeur général de Metaverse GT, se dit même « très optimiste » quant aux perspectives du marché des NFT associés à l’immersion 3D. « Nous sommes très confiants en raison de l’évolution des cas d’usage. »

Quid alors de la hype des débuts, retombée depuis ? « Il fallait lancer une tendance et démarrer un marché (…) La promotion de l’art et de la créativité était peut-être la meilleure porte d’accès pour éduquer le marché (…) La tendance du moment est au down, mais ce n’est que temporaire », juge le dirigeant.

Olivier Lemoine anticipe une amplification du mouvement sur « de nombreux cas d’usage des NFT », y compris dans la finance. Sébastien Paillet, CEO d’Early Metrics, spécialiste de l’analyse de tendances pour les grands groupes, partage cette lecture.

Nous sommes assez enthousiastes. Malgré la hype, qui monte ou baisse sur des cycles conjoncturels, nous entrevoyons d’intéressantes perspectives sur le long terme. Par ailleurs, l’univers des NFT se professionnalise énormément », témoigne-t-il.

Des clarifications juridiques pour lever l’incertitude

Ainsi, précise-t-il, les demandes des grandes entreprises « se structurent ». De plus, celles-ci mettent en place des départements pour approfondir leurs réflexions autour des NFT et de leur potentiel.

Ce n’est pas encore forcément visible pour le grand public, mais les efforts consentis sont majeurs. »

Sébastien Paillet y voit « un mouvement de fond sur un marché en construction », qui pourrait se traduire, lors d’un prochain cycle, par « des fondamentaux plus robustes.» Pour se concrétiser, ces hypothèses supposent toutefois de protéger l’entreprenariat, prévient l’expert.

Ce dernier met en garde contre des contraintes réglementaires susceptibles « d’asphyxier » les projets et de freiner l’émergence des usages. Le cadre de régulation applicable aux NFT est loin encore d’être abouti.

On peut simultanément considérer que les NFTs sont régulés et qu’ils ne le sont pas », commente Ronan Journoud, avocat pour AdWise Avocats.

Un paradoxe ? Des règles s’appliquent déjà aux jetons non fongibles, notamment au niveau national au travers du droit des contrats, de la propriété intellectuelle ou fiscal. Cependant, la loi Pacte « ne tient pas véritablement compte de leurs spécificités », ajoute le juriste. En conséquence, de « l’incertitude juridique » demeure.

En outre, au niveau européen, MiCA et TFR excluent la régulation des tokens non fongibles. « Il y a beaucoup à faire en termes de régulation. Cela passera par des clarifications dans les textes actuels. »

Les banques frileuses à l’égard des NFT

Fiscalement, plusieurs scénarios sont possibles. Les NFT pourraient être imposés comme des actifs numériques ou en fonction du sous-jacent, par exemple. Le législateur devra encore trancher.

Ronan Journoud appelle à l’adoption « de règles plus adaptées. » Du fait de la nature mondiale du marché, il plaide aussi en faveur d’une « harmonisation, d’abord à l’échelon européen, et ensuite mondiale au niveau de l’OCDE. »

Ces « clarifications » seront sans doute nécessaires pour permettre au secteur financier de se saisir des NFT. Les acteurs de cette industrie se montrent assez sensibles à l’incertitude juridique. Pour François de Chezelles, CEO de Talium, des usages peuvent cependant déjà être imaginés.

Les NFT présenteraient ainsi des avantages dans trois scénarios : l’accès à un service (transférable et garanti par la détention d’un jeton unique); les royalties (et leur redistribution selon des règles potentiellement complexes et programmables); l’utilisation des NFT dans la DeFi, sous forme de collatéral, pour obtenir « d’autres gains financiers » ou produits financiers, du prêt par exemple.

Les banques pourraient-elles exprimer un intérêt à l’égard de tels usages, voire plus largement de la crypto ? Pour Achraf Ayadi, PDG d’Altavo Services, ces actifs restent des ovnis pour les opérateurs de la finance. « Leur intérêt est empreint d’un certain scepticisme », témoigne-t-il.

Le banquier gère par le risque (…) Face à des technologies immatures, non standardisées, liées à des use cases pas encore stabilisés et dont la rentabilité n’est pas encore prouvée, il se montrera hésitant », juge-t-il.

La sécurité trop souvent optionnelle dans le Web3

Pour convaincre, l’expert de la finance et des fintech encourage les fondateurs de startups à intégrer le paramètre de la gestion par le risque cher aux banquiers. « Ils doivent très bien comprendre la cartographie des risques que pilote la banque », précise-t-il. Achraf Ayadi attire en outre l’attention des fintech sur la sécurité et la qualité du code.

L’ergonomie des fonctionnalités cohabite parfois, « sous le capot », avec des niveaux de sécurité incompatibles avec les exigences bancaires, constate-il. Wafae Kerchi, cofondatrice de Nefture, le regrette, « dans le Web3, la sécurité est encore trop souvent considérée comme optionnelle. »

Faiblesse de la régulation et manque de responsabilisation des porteurs de projets en cas de faille « n’encouragent pas à investir dans la sécurité. Ils n’investissent que lorsqu’il y a un problème », observe-t-elle. Et en 2022, les hacks ont été nombreux.

Le gros des progrès se situe ainsi au niveau de la sécurisation des applications. Mais quid alors des audits ? « Les audits sont un peu aujourd’hui une excuse pour faire du mauvais code », critique Wafae Kerchi. Une piste d’amélioration en plus pour la crypto et les usages des NFT pour préparer la prochaine phase de maturité du marché ?

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr