Fondée par des anciens de ConsenSys, Atlendis Labs développe un protocole de prêts crypto à l’attention des entreprises. Après une première version, deux mises à jour suivront en 2022. Entretien avec son cofondateur et CEO Alexis Masseron.
Les derniers mois ont été studieux pour la startup crypto fondée par des anciens de ConsenSys France. En décembre, quelques mois après sa création, Atlendis Labs (ex-JellyFi) finalisait son premier tour de financement : 4,4 millions de dollars levés auprès de grands investisseurs de l’écosystème tels que DCG, White Star Capital ou encore True Ventures.
Grâce à ce financement, l’entreprise prévoit de recruter, de poursuivre ses investissements en R&D, et aussi de préparer le lancement de plusieurs versions de son protocole DeFi en 2022. Celui-ci se destine aux institutionnels et vise à leur fournir des prêts en cryptomonnaies.
Des lignes de crédit transposées dans la DeFi
Un protocole de crypto lending supplémentaire ? Non. Outre un positionnement B2B (via du KYC), Atlendis Labs adopte une approche différente des autres acteurs du marché. La startup proposera des prêts non garantis ou collatéralisés, comme c’est la norme dans la DeFi.
Après avoir été auditée, la sortie de la V1 du protocole est imminente, assure à Coins.fr son CEO et cofondateur, Alexis Masseron. Le service DeFi est opérationnel et n’attend plus que l’intégration des premiers clients emprunteurs pour être ouvert, précise-t-il.
« Notre protocole peut être vu comme une marketplace décentralisée de lignes de crédit », décrit le dirigeant d’Atlendis Labs pour définir l’activité de la société. Ces lignes de crédit correspondent « dans le jargon » à des prêts sous-collatéralisés ou non-collatéralisés.
C’est une rupture par rapport aux pratiques du Web3 où les prêts P2P sont au contraire sur-collatéralisés avec un ratio moyen compris entre 100 et 150%. Emprunter 1 million de dollars nécessite donc de mettre en garantie 1 à 1,5 million.
Le prêt crypto est ainsi à la base d’un cas d’usage : le yield farming. Pour qu’une telle stratégie soit rentable, il est donc nécessaire que le taux de yield soit supérieur au taux d’intérêt du prêt. Ce modèle est trop limitatif, considèrent cependant les fondateurs d’Atlendis Labs.
Financer les Opex des acteurs du Web3 en cryptomonnaies
Ces prêts crypto se destinent aux seuls particuliers et pour le cas d’usage du yield farming, soit un usage uniquement spéculatif. « Notre projet a donc été motivé par la mise à disposition de prêts sous-collatéralisés, voire même non collatéralisés, pour permettre aux entreprises d’emprunter », explique Alexis Masseron.
Cette possibilité résulte du fait que les entreprises sont identifiées, contrairement à des utilisateurs anonymes. Mais leurs besoins sont aussi différents de ceux du retail, en particulier en matière de financement de leurs opérations. La stratégie de la startup consiste donc à répondre à ces besoins.
Les sociétés du Web2, par exemple, outre des levées de fonds, disposent de lignes de crédit ouvertes auprès de banques. De telles lignes sont dites capital efficient”, souligne le CEO. En effet, les capitaux seront placés pour bénéficier de rendements ou investis dans le développement.
Les coûts quotidiens, les OPEX, seront couverts grâce à des lignes de crédit et ne seront empruntés que les montants nécessaires. Ces solutions de financement n’ont pas d’équivalents aujourd’hui sur le marché crypto. Atlendis Labs entend dès lors combler ce manque via son protocole.
Parmi les clients potentiels de ces crédits en cryptomonnaies (convertissables en fiat dans un second temps pour des sociétés de l’économie traditionnelle), la startup identifie notamment les DAO, en profonde mutation ces derniers mois, et d’autres acteurs de référence du Web3.
Des DAOs disposent de trésoreries de plusieurs centaines de millions de dollars, voire de milliards. Elles sont en outre pilotées par des entreprises structurées, des startups opérant sur un modèle à la Silicon Valley”, note Alexis Masseron.
Décentralisation et transparence pour un outil financier classique
La marketplace décentralisée de lignes de crédit en crypto se destine directement aux protocoles, market makers et autres DAO du Web3. Ces entreprises crypto-natives sont la première cible du protocole. Toutefois, des sociétés du Web2 tapent également à la porte de la marketplace, témoigne le dirigeant.
Nous sommes en train de recréer un engin financier qui existe aujourd’hui pour le Web2, mais en l’optimisant, d’une certaine façon, en y intégrant de la décentralisation et de la transparence. L’ajout d’une couche de KYC en fait l’équivalent de l’outil financier traditionnel, à la différence que les prêts se font en cryptomonnaies et plus en fiat”, poursuit-il.
Au cours des prochaines semaines (1 à 2 mois), la V1 du protocole mettant en relation fournisseurs de liquidités et emprunteurs sera lancée. Pour cette ouverture, la startup onboarde donc d’abord ses clients emprunteurs. C’est cette phase d’onboarding des demandeurs, dont les cas d’usage sont distincts, qui est menée actuellement.
L’identité des emprunteurs n’est pas encore communiquée. Elle le sera en amont du lancement de la plateforme. Parallèlement, Atlendis Labs noue des partenariats, comme avec X-Margin, un fournisseur de scores de crédit. Le processus d’onboarding prévoit ainsi une étape de scoring auprès de X-Margin.
Sur la marketpkace, ce score est donc affiché pour chacun des emprunteurs, permettant ainsi d’informer les prêteurs sur le niveau de risque associé aux différents demandeurs. Un framework légal est par ailleurs mis en place pour préciser les modalités de recouvrement en cas de défaut.
Du fair rate discovery pour la détermination des taux
Contrairement à d’autres services DeFi, l’accès à la marketplace est permissionné pour les emprunteurs. Quant aux cryptos empruntées, elles sont paramétrées en amont avec la plateforme, tout comme le montant, la maturité du prêt et le taux maximal.
Du côté des prêteurs est mis en place un order book, un livre d’ordre de taux. « Il permet aux prêteurs de définir des taux assez flexibles et surtout d’avoir une découverte du taux global du prêt, ce qu’on appelle une fair rate discovery. Il s’agit d’une fonctionnalité très différenciante. Cela rend notre produit bien plus capital efficient que le reste du marché », souligne Alexis Masseron.
Atlendis Labs introduit également une autre approche dans le fonctionnement des pools de liquidités. Classiquement, un pool (plutôt un vault ou coffre dont le montant maximum est fixe) accueille différents lenders, mais aussi de multiples borrowers. La marketplace de lignes de crédit s’appuie elle sur de véritables pools, sans limitation de montant. Mais surtout, aux prêteurs d’une pool de cryptomonnaie correspond un seul emprunteur.
Ce modèle présente plusieurs avantages, juge la startup, dont un gain en termes de sécurité pour les auteurs de dépôts d’actifs numériques. « Cela permet réellement de manager son risque et ses investissements. Les emprunteurs savent quant à eux précisément qui sont leurs créanciers ».
Ce fonctionnement est une réponse aux obligations AML des entreprises, et donc un moyen pour elles d’accéder au marché de la DeFi. Les pools crypto traditionnelles ne leur permettent généralement pas d’identifier leurs prêteurs et ainsi d’être en conformité avec des obligations réglementaires.
Intégration d’un marché secondaire en fin d’année
Les prochaines versions de la plateforme développeront encore cette dimension, au travers notamment de la création de meta-pools. Pourront par exemple être créés des pools comprenant des scores de crédit équivalents (AA, A, B…). La finalité est de faciliter l’investissement. L’investisseur définit ce paramètre et ses liquidités seront automatiquement investies dans les pools correspondantes.
En termes de roadmap, la V1 est donc attendue courant 2e trimestre. La V1.5 est annoncée pour le trimestre suivant. Enfin, une V2 en fin d’année, avec des mises à jour majeures prévues à cette occasion. Cette version 2 correspond au protocole complet tel qu’il a été imaginé. Pour tester le marché, la startup a cependant opté pour un développement itératif.
La V2 introduira ainsi un marché secondaire. Les lignes de crédit de la V1 s’apparentent à des obligations. Et pour les rendre liquides, un marché secondaire est nécessaire. Les positions sont représentées par des NFT, qui peuvent être vendues sur des marketplaces comme OpenSea.
« En termes de liquidité, c’est donc assez limité. En ajoutant un marché secondaire, nous pouvons créer un marché de bonds avec des market makers en capacité de racheter des crédits. A la clé, la possibilité d’entrer et ressortir rapidement des pools, d’apporter plus de liquidité et pour les emprunteurs de bénéficier de meilleurs taux », détaille le CEO.
Une suite de produits financiers sous-collatéralisés
La V2 du protocole se veut ainsi une « grosse optimisation » des développements menés depuis 2021. Mais Atlendis Labs se prépare aussi à créer de nouveaux segments, au-delà de la ligne de crédit. « On peut imaginer une suite de produits sous-collatéralisés ».
Le premier cas d’usage est celui du financement des Opex, soit des opérations récurrentes. Il est aussi possible d’ajouter des financements pour des prêts uniques, comme des prêts amortis par exemple, imagine la startup.
En termes de modèle économique, celui de la startup française est calqué sur celui du lending crypto, avec une commission sur les intérêts versés lors du remboursement des prêts.
Côté déploiements, le protocole sera déployé sur la blockchain Ethereum (mainnet) et sur Polygon. Pour la version 2, s’ajoutera la couche Layer 2 StarkNet, « une des L2 les plus prometteuses », considère Altendis.
Nous nous intégrons aux réseaux où les protocoles ont besoin de la liquidité. A terme, nous pourrions donc être sur toutes les chaînes, ce qui pose aussi la question de la fragmentation de la liquidité.”
Pour répondre à cette problématique, Atlendis Labs travaille avec les protocoles de bridge afin d’unifier la liquidité à travers les différentes chaînes. La finalité est de simplifier les transferts d’actifs entre pools de différents réseaux. Quant à une nouvelle levée de fonds, elle n’est pas d’actualité aujourd’hui, mais la porte n’est pas fermée « si une bonne opportunité » se présente.
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