BanqueDeFiFranceLe MagNews

Entre la DeFi et les security tokens, un intérêt mutuel

Societe Generale - Paris
Crédit :Shutterstock

Société Générale a eu recours à la DeFi au travers du protocole MakerDAO afin de refinancer une obligation, un security token. Sa filiale SG-FORGE prépare d’autres transactions sur des protocoles DeFi. Interview.

 

En France, les banques se tiennent toujours à distance des cryptomonnaies. Elles investissent en revanche pleinement le domaine des security tokens. Pour Société Générale, les initiatives remontent déjà à 2019 avec l’émission de la première obligation sécurisée sur une blockchain publique, Ethereum.

Étaient alors émis 100 millions d’euros d’obligations sécurisées sous forme de security tokens, des OFH Tokens. Ces jetons poursuivent leur vie. Ils ont ainsi été utilisés comme collatéral sur MakerDAO.

Fournir des services financiers nouveaux aux investisseurs

Par l’intermédiaire de sa filiale, Société Générale a donc mené une opération de refinancement en s’appuyant sur un protocole de la finance décentralisée (DeFi). Pour la banque, c’est surtout une nouvelle étape dans la digitalisation de ses services à destination de la clientèle institutionnelle.

Nous considérons désormais que notre capacité à structurer et émettre des titres financiers au format security token est en production, et est d’ailleurs proposée commercialement à certains clients de la banque”, déclare à Coins.fr le directeur général de SG-FORGE, Jean-Marc Stenger.

La première phase consistait à maîtriser les opérations en token pour le marché primaire à destination des émetteurs. Le développement de cette nouvelle forme de titres financiers implique cependant aussi de satisfaire les besoins spécifiques des investisseurs (asset managers, assureurs…).

Un de leur besoin récurrent est celui de l’utilisation en collatéral des actifs financiers détenus « pour se refinancer et recréer des liquidités en empruntant sur les marchés ». Ces opérations « très classiques », comme les qualifie le dirigeant de SG-FORGE, doivent donc disposer de leur équivalent dans la finance crypto.

Le potentiel de croissance réside notamment dans ces opérations au secondaire, qui dans la finance traditionnelle représente un volume de transaction plus important que les opérations primaires, rappelle Jean-Marc Stenger.

Security tokens : un win win pour la DeFi et la TradFi

« Il est essentiel pour nous de maîtriser l’ensemble de la chaine, du primaire au secondaire », poursuit-il. SG-FORGE estime en outre que les solutions DeFi « peuvent apporter beaucoup à l’industrie financière classique ».

Fluidité, automaticité et sécurité des transactions dans l’écosystème crypto présentent un intérêt certain pour la TradFi sur un plan opérationnel. La DeFi est donc l’opportunité pour la banque de proposer des services de refinancement innovants tout en tirant profit de ses atouts.

Le refinancement sur le marché crypto, plutôt que la finance traditionnelle, a offert à Société Générale « l’accès à des paramètres financiers différents ». Et cette alternative peut présenter des avantages pour le détenteur des titres, en commençant par « les termes financiers de l’opération » eux-mêmes.

Ces développements s’inscrivent pleinement dans la roadmap de la filiale spécialisée du groupe Société Générale. MakerDAO correspond à une première transaction dans le cadre d’un déploiement progressif. Mais certainement pas la dernière.

Nous sommes en discussion avec d’autres protocoles”, confie le directeur général.

L’objectif reste le même : s’assurer de maîtriser les paramètres d’une opération avec une DAO. Et « cela ne va pas de soi ».

Des risques moindres, mais un cadre bancaire à construire

Cette maîtrise se heurte à une réelle complexité juridique pour parvenir à un cadre équivalent à celui des marchés financiers traditionnels.

« On bénéficie d’une meilleure efficience opérationnelle. Les risques de contrepartie sont moindres, comme les risques de règlement. En revanche, des choses restent à tester, voire à inventer, notamment au niveau de l’articulation juridique d’une transaction et de sa structuration financière pour proposer à nos clients des conditions adéquates », précise Jean-Marc Stenger.

L’intérêt d’une jonction entre crypto et TradFi est cependant mutuel. Le dirigeant rappelle que l’écosystème crypto souffre « d’un manque d’actifs de bonne qualité. La plupart des coins qui traitent actuellement sont très volatils et intrinsèquement risqués. Et les épisodes de 2022 ont ajouté de la défiance ».

La TradFi est donc une source « d’actifs de qualité, comme les OFH Tokens, eux-mêmes collatéralisés par des prêts immobiliers et très bien notés » pour l’écosystème crypto, qui exprime « un grand appétit » pour ces jetons. Cela signifie des opportunités financières intéressantes pour ces mêmes actifs.

Mais pour en bénéficier, « il faut créer le pont. C’est la raison d’être de SG-FORGE » La barrière pour y parvenir n’est pas technologique. L’industrie nécessite « un cadre bancaire conforme aux standards (…) Cela prend du temps ».

Preuve en est, l’opération MakerDAO a demandé un an de travail, une durée qui comprend cependant le temps consacré aux votes de la communauté – c’est-à-dire les votes de gouvernance.

Priorité à l’industrialisation et au refinancement avant le staking

Quelles prochaines étapes pour la filiale à présent ? La première consistera à réaliser un retour d’expérience de la transaction menée sur MakerDAO. Il s’agira aussi de « continuer à déployer ce genre de solutions et à travailler à l’industrialisation », annonce le directeur général de SG-FORGE.

L’industrialisation portera à la fois sur le primaire et le secondaire. D’autres émissions au primaire de security tokens sont prévues en 2023. Voilà pour le supply. Reste à « enrichir la palette de services financiers pour les investisseurs et les émetteurs (…) notamment au travers de solutions de refinancement pour normaliser progressivement ce format auprès de nos clients classiques ».

Quid du staking ? « Nous n’en sommes pas encore là », répond Jean-Marc Stenger, qui en reconnaît l’intérêt en termes de rendement pour un investisseur.

Nous n’avons pas encore de projet concret sur le staking. Cela viendra peut-être, mais à ce jour ce n’est pas à l’agenda.”

La priorité, c’est « l’industrialisation et la capacité à se diversifier dans ces thématiques de refinancement via des protocoles DeFi. Ce sont nos sujets à plus court terme », ajoute-il. D’ici fin 2023, SG-Forge se veut « très pragmatique » sur ses objectifs et résultats.

« Faire des plans sur la comète à horizon 12 à 18 mois dans cet environnement, c’est très hasardeux », justifie son CEO. Ce dernier se félicite néanmoins d’une accélération de l’adoption par la clientèle de la banque.

« Elle est beaucoup plus rapide que ce que nous avions anticipé », indique-t-il encore. « La clientèle comprend désormais très bien les avantages qu’elle peut retirer à basculer sur le format security token ».

Suivez Coins.fr sur Twitter, Linkedin, Facebook ou Telegram pour ne rien manquer. Inscrivez-vous à notre newsletter crypto pour recevoir un résumé de l’actualité chaque semaine.

Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr