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Hadrien Zerah, Nomadic Labs : Tezos, la blockchain à la force tranquille

Hadrien Zerah, directeur Nomadic Labs - Photo courtesy of Nomadics Labs

Si le jeton XTZ de Tezos se classe au-delà du 30e rang en capitalisation, la blockchain n’en demeure pas moins un réseau de référence. En France, son centre de R&D Nomadic Labs contribue à son adoption. DeFi, NFT, bakers, Open Tezos… Interview avec son directeur, Hadrien Zerah.

 

Ce serait un tort de juger de la qualité d’une technologie blockchain à la seule valeur de la capitalisation de son token natif sur le marché des cryptomonnaies. Certes, avec 5,7 milliards de dollars, XTZ se classe actuellement à la 38e position.

Mais contrairement à Cardano, 6e avec ADA, Tezos dispose d’une fonctionnalité de smart contracts depuis bien plus longtemps. Et pour Hadrien Zerah, directeur général de Nomadic Labs, la priorité pour Tezos, c’est son adoption et les usages.

cours du XTZ sur un an

Cours du XTZ de Tezos sur un an

Former l’écosystème pour tirer les usages de Tezos

L’adoption, le centre de recherche & développement, « le labo le plus important » et filiale de la Fondation Tezos, y travaille avec assiduité en France, mais aussi au Luxembourg et en Belgique. Pour cela, il s’appuie notamment sur une équipe support d’une quinzaine de personnes.

Ces experts mènent un travail d’accompagnement et fournissent du support technique gratuit sur Tezos. Une façon d’acculturer ainsi à la technologie et d’encourager les projets. Mais Nomadic Labs s’efforce aussi de collaborer avec les acteurs de l’écosystème existant.

Aider donc, plutôt que concurrencer les entreprises en place. Les intégrateurs techniques sont un rouage clé de cet écosystème. Le centre de R&D a donc noué des liens avec ces acteurs « capables de développer des projets et de répondre à des appels d’offres en proposant Tezos. »

Nous avons formé ces intégrateurs gratuitement. Pour certains, nous les avons même financés pour qu’ils développent des outils open source réutilisables par l’écosystème », déclare Hadrien Zerah à Coins.fr.

Open Tezos pour favoriser les cours auprès des étudiants

Aux intégrateurs s’ajoutent d’autres acteurs du marché, essentiels pour accroître l’adoption. Il s’agit des cabinets de conseil et des cabinets juridiques, « très souvent sous-estimés ». C’est ainsi avec Octo Technology (filiale du géant Accenture) que Nomadic Labs a développé Open Tezos, une plateforme gratuite et open source destinée à la formation sur Tezos.

Open Tezos vous permet de monter en compétences, de déployer un nœud validateur, d’écrire des smart contracts ou de développer des applications décentralisées, etc. Notre objectif est que toutes les écoles d’ingénieurs, les universités, les écoles de commerce forkent le code, se l’approprient et lancent des cours Tezos », explique le DG du Lab français.

Le lancement d’Open Tezos s’inscrit toujours dans la même optique, à savoir « diffuser au maximum » et permettre à chacun de contribuer. Et dans l’écosystème, les entreprises proposant de la blockchain-as-a-service sont aussi incontournables, tout comme les fonds d’investissement, et bien sûr les utilisateurs finaux.

En France et en Europe, Nomadic Labs travaillent d’ailleurs de concert avec de grandes institutions, dont la Banque de France et la BCE autour des expérimentations sur l’euro numérique. Avec BNP Paribas et Logiciel Pictures, le lab a planché sur un projet de tokenisation d’un fonds d’investissement destiné à soutenir l’industrie du cinéma.

Corporate baking et grands projets en France

La Société Générale a quant à elle mené des démarches en matière de tokenisation de produits structurés. « Nous les avons accompagnés au travers d’un support technique gratuit. A présent, ils se sont appropriés la technologie. Leurs retours permettent des améliorations. Ces équipes sont à présent autonomes », confie Hadrien Zerah.

Passeport digital avec Blockchain Xdev et Peugeot ; monnaie digitale interbancaire avec la CDC, BNP Paribas et Crédit Agricole ; stablecoin Lugh ($EURL) ; Fanlive, un jeu en ligne adossé à une plateforme NFT… Les projets sont multiples et de qualité, soutient le dirigeant. Ce dernier prédit d’ailleurs un « nouvel élan pour Lugh à partir de mi-novembre. »

Dévoilé en mars dernier, le premier stablecoin euro doit à terme (12 à 24 mois) devenir un moyen de paiement et de fidélité pour les boutiques. Casino, son auteur, faisait savoir au lancement qu’un consortium serait constitué et ouvert à d’autres enseignes. Des annonces dans ce secteur pourraient intervenir très prochainement.

La startup phénomène de l’écosystème Ethereum, Sorare, pourrait quant à elle compter bientôt un rival sérieux : Fanlive. La plateforme de marché primaire de NFT reliée à un jeu de fantasy football lancera sa première collection d’ici la fin d’année. La « plupart des clubs en France » seront partenaires, indique Hadrien Zerah, sans préciser à aucun moment qu’il s’agit de football.

Fanlive, le Sorare de Tezos arrive avec des NFT

Les informations disponibles sur le site de Fanlive ou l’appli mobile sur Google Play le confirment sans ambiguïté cependant. La LFP et la Ligue 1 Uber Eats sont partenaires du jeu. Par ailleurs, l’ancien footballeur du PSG, Alain Roche, siège au comité de direction de l’entreprise. Outre la participation à des applications exploitant le réseau Tezos, Nomadic Labs promeut le corporate baking.

Fanlive, le futur rival NFT de Sorare sur Tezos

Fanlive, le futur rival NFT de Sorare sur Tezos

Blockchain de type Proof-of-Stake, son fonctionnement repose sur des nœuds validateurs, des « bakers ». En France, des grandes entreprises remplissent ce rôle. C’est le cas d’Ubisoft et d’Exaion (filiale d’EDF). D’autres grandes entreprises, dont une banque, rejoindront à leur tour Tezos d’ici la fin d’année, nous assure-t-on, sans préciser lesquelles.

Le corporate baking constitue une première étape majeure dans l’adoption de Tezos et le lancement de premiers projets blockchain.

Devenir baker permet à des départements innovation de s’approprier la techno. Un corporate baker, c’est généralement une entreprise qui lance un projet derrière », souligne Hadrien Zerah.

Pour convaincre ces utilisateurs, Tezos dispose de sérieux atouts techniques. Le principal, insiste notre interlocuteur, c’est sa « caractéristique d’auto-modification » couplée à un mécanisme de gouvernance on-chain.  Le résultat, c’est la possibilité « d’apporter de l’innovation technologique sans la nécessité de passer par un hard fork. Et cela rassure beaucoup, notamment un industriel ou un établissement financier. »

Qualité et communautés pour grandir sur les NFT

Tezos, comme d’autres blockchains, s’est aussi emparé de la dynamique NFT. Dans ce domaine, elle revendique cependant sa différence et son souci de privilégier la qualité à la spéculation. Une récente vente de NFT avec Guerlain a d’ailleurs tout récemment permis de mettre en lumière le positionnement du réseau dans ce secteur.

Nomadic Labs a été contacté par l’agence MNSTR de la marque de luxe Guerlain, avec un critère majeur : le faible impact environnemental. Sur ce thème, Tezos se démarque. Un cabinet du Big Four publiera dans les prochaines semaines une mesure exacte de la consommation d’énergie annuelle de la blockchain.

Guerlain a d’ores et déjà été convaincu. Le lab français a joué son rôle d’acculturation. La marque a ensuite « utilisé des plateformes gratuites et publiques comme Hicetnunc et objkt pour monter les NFT et les rendre disponibles sur le marché secondaire. C’est le début de quelque chose de fantastique », s’enthousiasme le dirigeant.

Ce dernier entrevoit d’autres possibilités dans le secteur de l’e-sport, dont les communautés sont aujourd’hui hostiles aux NFT, en raison notamment de la spéculation qui entoure ces actifs. Pour Hadrien Zerah, Tezos a la réponse à cette problématique en offrant la possibilité de créer des places de marché de NFT dotées d’un système de liste blanche. Elles peuvent ainsi garantir que les NFT iront aux vrais fans de l’e-sport.

Un écosystème DeFi qui se développe

« Une équipe d’e-sport peut limiter l’achat à des membres de sa communauté et éviter la folie actuelle qui est purement une bulle spéculative », s’agace l’expert français. Tezos, dans l’univers des NFT, vise donc une croissance organique, naturelle. Il en va de même dans le monde de la finance décentralisée.

Sur la DeFi, Tezos dispose désormais des « briques de base » : un stablecoin, uUSD, collatéralisé par du XTZ ; deux automated market makers (vortex et QuipuSwap) ; un protocole de yield farming avec Plenty. Ne manquerait plus donc qu’un protocole de crypto lending. Il est en cours de développement, nous assure-t-on.

Il faudra laisser un peu de temps à l’écosystème. Je ne suis pas très inquiet sur la DeFi. Dès que nous aurons toutes les briques, les liquidités arriveront, je pense, assez rapidement sur ces protocoles grâce à la communauté forte et engagée de Tezos. »

Pour Hadrien Zerah, la multiplication des « programmes d’incentives » ne sont pas une bonne solution pour accélérer le développement, sur la DeFi comme les NFT. Motif ? Cette approche risquerait sinon d’attirer « une communauté plus orientée vers le profit et la spéculation. »

Sur Hicetnunc, on trouve de vrais utilisateurs, de vrais artistes, et le contenu est de qualité. C’est parfois difficile de tenir la pression et de voir des plateformes se lancer et attirer d’énormes liquidités… Mais à mon sens, c’est au détriment d’une certaine qualité. Il faut être patient et bâtir sur le long terme », conclut-il.

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr