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Fraktion lance l’investissement immobilier fractionné sur Tezos

L’ambition de Fraktion est de démocratiser l’investissement immobilier avec un ticket d’entrée à partir de 10 euros. Pour cela, la plateforme tokenise un bien sous forme de security tokens. Sous 6 à 18 mois, Fraktion veut implémenter un marché secondaire et s’interconnecter avec la DeFi.

 

« On nous vend la tokenisation de l’immobilier depuis 2015 et il faut bien le reconnaître, il ne s’est pas passé grand-chose depuis », déclarait fin 2022 l’expert du secteur et fondateur de TokenLand, Florian Freyssenet.

Si le cadre réglementaire n’a pas évolué, les actions se multiplient néanmoins, à l’image de la plateforme française Fraktion, qui réalise ce mardi 11 juillet son lancement public.

Tezos, une valeur sûre en Europe

« Le marché est en développement, et au-delà même de Tezos. De nombreuses initiatives sont lancées sur la fin d’année 2023 dans ce domaine », commente Cédric Roche, Adoption Manager France chez Nomadic Labs.

Le Lab R&D de Tezos en France accompagne Fraktion, qui a donc sélectionné cette blockchain pour ses opérations. Ce choix est justifié par le CEO de la startup, Vincent Pastor, par plusieurs facteurs, dont la performance, les faibles coûts de transaction du réseau Tezos, et la maîtrise technique de son environnement parmi l’équipe de développement.

Les acteurs de la réglementation en France, mais aussi à l’échelon européen, connaissent la plateforme Tezos et se montrent plutôt bienveillantes à son égard. »

En outre, plusieurs projets de tokenisation, par exemple à l’initiative de SG-Forge, ont déjà été menés sur le réseau. Tezos bénéficie d’une vraie notoriété dans l’univers des security tokens et de leur régulation, déclare le dirigeant à Coins.fr.

Ouvrir l’investissement fractionné au-delà de la sphère crypto

Fraktion a considéré Tezos « comme le meilleur choix » et entend donc poursuivre son développement sur ce réseau, y compris sur le volet finance décentralisée que la startup prévoit d’ajouter à son service d’ici 12 à 18 mois. C’est pourtant sur Ethereum que la DeFi est la plus ancrée à ce jour.

« L’écosystème applicatif de Tezos est suffisamment consistant pour nous », juge Vincent Pastor. Le support d’Ethereum ou d’un autre réseau blockchain ne figure pas à la roadmap à ce jour.

Notre objectif c’est de concevoir un service performant et capable de contribuer à l’univers Tezos », poursuit-il.

Et le dirigeant d’insister sur le service métier fourni aux utilisateurs, à savoir l’investissement immobilier et fractionné pour les particuliers, qui prime sur la technologie sous-jacente.

Sur le site, la blockchain est peu mise en avant. C’est avant tout un outil performant de sécurisation et de fluidification des transactions. »

La complexité technique doit être invisible pour les utilisateurs, ambitionne le dirigeant, dont la cible n’est pas composée uniquement des utilisateurs avertis de la finance crypto. Par son approche, Fraktion souhaite ainsi se démarquer d’acteur comme RealT aux États-Unis, plus orienté vers les habitués de la crypto.

Notre critère de départ, c’est d’offrir la possibilité à n’importe qui d’investir sur la plateforme et de comprendre la valeur de l’investissement immobilier fractionné. La présence de la blockchain doit être secondaire. »

Des obligations convertibles en actions tokenisées

L’usage de Fraktion réside dans l’investissement immobilier à partir de 10 euros. Pour cela, les investisseurs vont acquérir des security tokens correspondant à des obligations convertibles en actions. Les utilisateurs acquièrent des parts (d’une société, propriétaire du bien), leur donnant droit à des rendements fonction du ou des biens dans leur portefeuille.

Pour proposer des biens aux investisseurs, le service se lance ce mardi 11 juillet via un partenariat exclusif avec Sezame, acteur du leasing immobilier. Celui-ci propose de la location accession à la propriété. D’autres partenariats sont prévus au cours des prochains mois afin d’alimenter la plateforme en biens supplémentaires.

« L’idée n’est pas d’être une SCPI qui intégrerait de la blockchain », précise Vincent Pastor. Le but revendiqué : permettre à des micro-investisseurs de piloter, de manière personnalisable, leur stratégie d’investissement immobilier.

A terme, nous proposerons des solutions de diversification automatique à la manière des SCPI. C’est un usage que permettent la blockchain et les smart contracts. »

Pour l’heure, la priorité est à l’ouverture à des investisseurs dont le capital disponible est plus bas pour démocratiser l’investissement immobilier. Fraktion se veut un OpenSea de l’immobilier – qui rassemblera à l’avenir professionnels du secteur et même particuliers disposant de biens physiques.

Pour le démarrage, la startup a cependant fait le choix de s’appuyer uniquement sur des partenaires capables d’offrir un volume suffisant de biens. Deux autres partenariats seront lancés durant l’été, « dont l’un réalisant plus de 100 investissements locatifs par mois depuis plusieurs années ».

Campagnes de souscription et mint sur Tezos

En termes de processus, chaque actif est examiné en amont sous forme de dossier par les experts de Fraktion. Le CEO, grâce aux compétences internes, promet une véritable analyse via une grille comprenant 50 à 100 filtres  (démographie locale, taux de chômage, attractivité économique, nombre d’étudiants, etc.).

Une fois un bien immobilier validé, est lancée une campagne de souscription. Les investisseurs décident d’y investir ou non, et le montant investi. Une jauge minimale doit être atteinte pour engager l’étape suivante avec KYC et signature électronique.

Passé le délai de rétractation légal, le mint des tokens est déclenché et les jetons émis dans des wallets aujourd’hui gérés par la plateforme. A terme, ces portefeuilles pourront prendre d’autres natures – dont des cold wallets pour les micro-investisseurs. L’émission réalisée, c’est le smart contract qui régit la vie du titre financier, une obligation convertible en actions.

Automatiquement, lorsque nous collectons les loyers auprès des gestionnaires des biens immobiliers, les fonds sont séquestrés chez un tiers, Mongopay. Grâce à une synchronisation API, dès lors que les loyers sont déployés, le smart contract gère la clé de répartition en fonction des porteurs de tokens », détaille le CEO.

Un marché secondaire en P2P, puis via la DeFi

Fraktion propose uniquement des opérations au primaire. La startup ambitionne bien néanmoins d’intégrer un marché secondaire pour les tokens émis.

Nous examinons nos marges de manœuvre réglementaires pour offrir une solution performante et conforme aux obligations et recommandations de l’AMF. »

L’objectif d’ici 6 à 8 mois, c’est celui du secondaire via des transactions P2P. Sous 12 à 18 mois, l’entreprise espère aller plus loin avec l’ajout d’une brique de finance décentralisée.

Nous sommes déjà en négociation pour permettre aux porteurs de tokens fractionnés de se refinancer en mettant en collatéral leurs actifs auprès d’acteurs de la DeFi », annonce Vincent Pastor.

« L’ouverture à la finance décentralisée, le référencement sur des DEX, etc. C’est le grand chantier que nous aurons à gérer en 2024 ! ». A ces développements s’ajoutent d’autres objectifs business. En 2023, la startup vise les 8 millions d’euros d’actifs tokenisés, soit 30 à 40 biens immobiliers. En septembre, Fraktion comptera 25 biens accessibles sur sa plateforme.

2023 a aussi pour enjeu d’éprouver la scalabilité du modèle et du support client. Pour l’année prochaine, la startup se fixe pour cible les 50 millions d’euros de tokenisation.

La grande force de l’architecture déployée, c’est sa scalabilité. Nous devons pouvoir fractionner les biens qui entrent sur la plateforme de manière industrielle. Dès septembre, 25 biens tourneront constamment. Et l’effort marginal pour passer de 25 à 250 est relativement faible. »

Fraktion collecte des frais à l’émission et lors d’évènements

L’industrialisation repose sur l’automatisation des opérations, « de l’émission des tokens jusqu’à la distribution des loyers ». La répartition nécessite encore d’être activée manuellement, même si l’entreprise prévoit également de l’automatiser.

L’automatisation permise par la blockchain permet ainsi de démocratiser des produits financiers – refinancement, collatéralisation, contrat à terme… – auprès d’investisseurs pour des tickets d’entrée moindres.

Pour financer son modèle, la startup se rémunère à l’émission primaire des tokens en percevant un pourcentage de la valeur du bien. « Le notaire perçoit 7 à 8%, Fraktion fait la même chose en se rémunérant lors de cette opération ».

Durant le cycle de vie de l’investissement immobilier, elle va en outre prélever des frais lors d’évènements. Il s’agit notamment de la collecte des loyers. A la manière d’une agence immobilière, elle collecte 6% des montants.

A terme, sur le marché secondaire, la startup prévoit d’appliquer des frais « marginaux » sur les transactions, « pas plus de 1 à 1,5% de la valeur du token ».

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr