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DeFi : Morpho Labs lève 18M$ auprès d’a16z et Variant

Morpho Protocol
Morpho Protocol

Nouvelle levée de fonds pour les Français de Morpho Labs, un protocole DeFi dont la fonction est d’optimiser l’efficacité du lending crypto via des échanges P2P. Coins.fr s’est entretenu avec son cofondateur Paul Frambot.

 

Morpho Labs avait déjà collecté un peu plus d’un million de dollars moins d’un an auparavant. Pour financer son développement, ses fondateurs ont décidé de lever plus de fonds au travers d’un tour de table de 18 millions de dollars.

Le protocole DeFi développé par la startup française séduit les investisseurs dans un contexte de marché pourtant tendu. Ce second tour de table est mené par le puissant fonds d’investissement américain Andreessen Horowitz (a16z) et le VC crypto Variant.

Des optimisateurs pour Aave et Compound

D’autres investisseurs ont également contribué. Au total, ils sont une centaine, indique l’entreprise à Coins.fr. Parmi ceux-ci, on pourra citer Nascent, Semantic, Coinbase Ventures, XAnge et des business angels français comme Nicolas Bacca (Ledger) et Frédéric Montagnon (Arianee).

Pour convaincre ces acteurs, Morpho Labs a donc conçu en open source un protocole de prêt crypto baptisé Morpho et dont la gouvernance est assurée par une DAO. La solution comporte une spécificité cependant. Elle ne se substitue pas à des protocoles de lending établis comme Aave ou Compound.

Au contraire, elle vient optimiser la valeur d’usage de ces services DeFi pour les utilisateurs via Morpho Aave et Morpho Compound. « Morpho est un optimisateur de protocole. Il permet d’emprunter et de prêter des cryptomonnaies de manière décentralisée, mais en optimisant l’efficacité des protocoles sous-jacents », détaille dans une interview Paul Frambot, son cofondateur.

Cette optimisation tire profit de l’écart entre le taux de prêt et le taux d’emprunt sur les protocoles existants. Cette différence ou spread peut varier entre 2 et 4 points, qui s’explique par un fonctionnement reposant sur des pools de liquidités (et un déséquilibre entre le nombre de prêteurs et d’emprunteurs).

Morpho, utilisateur d’Aave et Compound, s’affranchit cependant des pools pour proposer aux prêteurs et emprunteurs d’être mis directement en relation dans un mode pair à pair. Cette relation directe permet d’appliquer des taux personnalisés et plus avantageux que par le système des pools.

Un service pour DAOs et protocoles DeFi

Morpho, c’est une couche d’optimisation qu’on retrouve sur tous les protocoles de lending pour améliorer l’efficacité du capital”, souligne encore le jeune entrepreneur – étudiant en Blockchain à Télécom Paris et Polytechnique, et actuellement en stage au sein de… Morpho Labs.

L’intérêt du protocole de la startup repose en quelque sorte sur les limites des services DeFi existants. « Aave et Compound ont un spread qui est immense. La vérité est que les taux ne sont pas intéressants. Ils émettent en contrepartie beaucoup de jetons de liquidity mining pour les rendre intéressants », décrypte Paul Frambot

L’ambition de Morpho est ainsi de compenser les contraintes du modèle existant en apportant de la valeur aux emprunteurs comme aux prêteurs. « Le mécanisme de base des pools est à mon sens encore imparfait et trop sous-efficace sans rewards ».

En ce qui concerne les utilisateurs de Morpho, il s’agit aujourd’hui d’autres protocoles au travers d’interactions entre smart contracts. Parmi ces cibles, on peut citer « une DAO cherchant à diversifier sa trésorerie; Un protocole DeFi qui dans son mécanisme utilise Compound ou Aave et souhaite améliorer ses taux grâce à Morpho Aave ou Morpho Compound à la place ».

Après cette étape d’adoption auprès des développeurs de l’écosystème DeFi, Morpho pourra partir en quête des « 99,9% autres utilisateurs. Mais cela demande au préalable d’être une référence dans la crypto », conditionne Paul Frambot.

30M$ de TVL et 1 milliard $ fin 2022

Aujourd’hui, la TVL du protocole est de 30 millions de dollars après 3 semaines d’activité. Un très bon démarrage, apprécie le cofondateur. C’est cependant moins que les prévisions établies avant le bear market. Pour passer un palier, Morpho doit atteindre et dépasser le milliard de dollars de TVL. L’objectif est de franchir ce cap en fin d’année 2022. L’hiver crypto pourrait toutefois générer un décalage par rapport au calendrier initial.

Pour financer son développement, le protocole prélève des frais sur les transactions. A ce stade, ce montant est nul. Les règles dans ce secteur doivent être définies par une DAO, Morpho DAO, un organisme décentralisé sans but lucratif.

Les fonds prélevés permettront d’alimenter la trésorerie et de rémunérer des prestataires pour améliorer le protocole. Morpho Labs, une société de services, est l’un de ces prestataires et l’employeur de ses fondateurs. « Morpho Labs n’est pas payé pour opérer un service financier, mais pour améliorer un bien commun », insiste Paul Frambot, très attaché à cette distinction et à cette différence fondamentale avec la finance traditionnelle.

Le dirigeant se montre aussi très attaché au concept de la DAO et à sa décentralisation réelle, qui se concrétise encore peu dans les protocoles DeFi, où le poids des VCs est écrasant. Ce partage de la gouvernance est critique pour gérer un bien commun. Morpho espère donc attirer différents contributeurs à travers le monde, dont des centres de recherche. Des discussions sont en cours en France avec certains d’entre eux.

Pour qu’un protocole soit un bien commun, résilient et entretenu par tous, il est nécessaire qu’il soit décentralisé”, promeut le cadre de Morpho Labs.

Une partie de l’argent de la levée de fonds vise ainsi à développer l’écosystème de contributeurs de Morpho. Ces contributeurs recevraient des tokens permettant d’intervenir dans la gouvernance. Plus de 50% des jetons de la DAO sont destinés à des utilisateurs et contributeurs, précise-t-on à Coins.fr.

Plus de 50% de tokens pour garantir la décentralisation

Le tour de table réalisé par la startup vise également à assurer des financements pour deux autres thèmes que sont la sécurité, via de multiples audits et des bug bounties, et la recherche. La sécurité est un facteur stratégique pour garantir la confiance à l’égard du protocole.

Nous sommes certainement, de loin, le protocole early stage qui réalise le plus d’audits. Nous en avons déjà effectué une dizaine. Notre protocole est complexe et nous amène donc à dépenser énormément pour son audit”, confie Paul Frambot.

Outils et prestations de service dans la crypto s’avèrent en outre « très chers, anormalement même ». Enfin, la startup a aussi tenu « à edger » son « risque quant au marché ». La durée du bear market est incertaine. Morpho avait donc besoin de fonds pour garantir le développement et la sécurité du protocole « quelles que soient les conditions de marché ».

Et côté recrutements ? L’équipe compte actuellement une douzaine de personnes, principalement des profils très techniques, des jeunes diplômés de grandes écoles du plateau de Saclay et des doctorants en thèse. Morpho Labs recherche des développeurs blockchain & Web3 avec un solide bagage en mathématiques.

Pour Paul Frambot, l’équipe n’est cependant pas vouée à grandir au-delà de 20 personnes, un effectif largement suffisant pour un projet DeFi. « Uniswap a su gérer le protocole à 14 pendant trois ans pour gérer des dizaines de milliards », rappelle l’associé de Vincent Danos (directeur de recherche au CNRS).

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr