Les marques et annonceurs s’intéressent au potentiel du Web3, qui leur impose cependant de repenser la gestion des données et des communautés, voire leur contrôle. Avis d’experts d’Havas, Salesforce et Worldline.
Casino, au travers de ses différentes entités, se prépare à l’explosion des usages du Web3 dans le secteur du retail. Dans l’univers des médias et du marketing digital, les manœuvres sont également engagées. Reworld Media se positionne au travers de certains de ces sites.
En octobre, Webedia lançait sa filiale Web3. Le groupe s’est doté de capacités technologiques, dont un module de création de NFT. Son ambition : être le partenaire des annonceurs et agences, ses clients, sur les projets Web3. La régie publicitaire de Canal+ partage le même objectif en intégrant les jetons non fongibles et le métaverse à ses offres.
Des audiences Web3 qui font défaut, hors gaming
Le mouvement prend de l’ampleur et les partenaires des annonceurs cherchent des repères, à l’image de l’agence Havas Play.
Les audiences aujourd’hui sont plutôt côté jeu vidéo. C’est là où nous accompagnons les marques et faisons des opérations de grande ampleur », témoigne son CEO, Stéphane Guerry, durant la conférence Big Data & AI Paris 2022.
Les nouveaux univers virtuels Web3 doivent encore faire leurs preuves, souligne-t-il. « Les audiences et la capacité à toucher un large public ne sont pas les mêmes. Les opérations sont donc beaucoup plus ciblées, mais nous y croyons », poursuit le dirigeant. L’agence dispose d’ailleurs de sa propre parcelle dans The Sandbox.
L’heure est encore à l’exploration dans l’optique de pouvoir à l’avenir conseiller les marques. Plusieurs conditions préalables doivent donc être préalablement réunies, dont une audience suffisante. Les entreprises devront aussi s’approprier de nouveaux codes et appréhender le métavers dans une dimension qui ne soit pas seulement publicitaire.
Il est possible de proposer aux marques d’avoir une présence utile et qui ait du sens pour les utilisateurs qui se rassemblent dans ces metavers », note Stéphane Guerry.
Des marques qui doivent lâcher du pouvoir
Car ces communautés, comme celles de la musique et du sport, ne sont pas nécessairement hostiles aux marques et à leur présence. C’est vrai en particulier pour le gaming, juge l’expert.
« Oui, les marques peuvent être les bienvenues dans ces univers ». Les rapports entre consommateurs et annonceurs dans le Web2 ne sont pourtant pas au beau fixe, ce qui se traduit par un recours intensif aux bloqueurs de publicité, les adblockers.
Beaucoup de pédagogie reste à faire », reconnaît le dirigeant de Havas Play. « Une grande partie des marques ne comprent pas encore qu’elles vont devoir lâcher du pouvoir (…) Cela prend un petit peu de temps naturellement. »
Outre les agences et les régies, se positionnent également sur le Web3 des éditeurs spécialisés dans le marketing, dont Salesforce. Ce nouveau canal ne concerne pas le seul secteur du gaming, observe sa vice-présidente Solutions Engineering France, Kheira Boulhila.
L’industrie et le retail sont extrêmement présents aussi sur ce canal virtuel, complémentaire des canaux physique et digital, en particulier pour toucher la nouvelle génération, celle des 15-25 ans. »
La quête de la réconciliation des données à l’ère des wallets
L’enjeu pour le géant américain du CRM, c’est de fournir à ses clients, des marques, des outils permettant de créer des NFT et de gérer ces actifs numériques. Pour cela, Salesforce a lancé NFT Cloud, une solution dite low code, et encore en phase pilote.
Mais qui dit canal supplémentaire dit aussi dispersion ou silotage de la donnée client. La promesse de l’éditeur, c’est donc d’aider les organisations à réconcilier les données Web2 et Web3 sur une même plateforme. Et les cas d’usage pour ces marques sont multiples. Kheira Boulhila cite notamment les programmes de fidélité et de récompense.
Tout utilisateur en possession du NFT aura accès, par exemple, à des produits spécifiques, ou à des évènements dédiés (…) La nouvelle carte de fidélité sera un NFT. Elle permettra de donner de l’exclusivité aux consommateurs. »
Dans l’automobile, plusieurs constructeurs, dont Ferrari et McLaren, ont déjà adopté les NFT, mais pas uniquement à des fins marketing. Alfa Romeo, à l’achat d’un de ses véhicules, remet au propriétaire un jeton non fongible collectant les données de maintenance. Les automobiliste dispose ainsi d’une forme de carnet d’entretien dématérialisé et dont les données sont certifiées.
La lente adoption des wallets type Metamask
Le Web3 remet toutefois en question certaines pratiques, aujourd’hui matures, de réconciliation des données pour identifier les clients et personnaliser les actions marketing.
Dans le Web2, les cookies sont ainsi le standard – contestés cependant, en particulier en ce qui concerne les cookies tiers. S’y substituent des wallets, que Worldline, un fournisseur de solutions de paiements, connaît bien.
Le wallet, c’est le moyen d’exécuter de la manière la plus fluide possible la gestion, à la fois, de vos assets, de vos moyens de paiement, mais aussi de votre identité », le définit Frédéric Vieren, ambassadeur de la R&D de Worldline et expert Retail.
L’identité dans le Web3 s’inscrit en rupture par rapport à la génération précédente du Web, qui repose sur une adresse email et un mot de passe pour l’authentification. Ainsi, « la réconciliation est assez facile ». Le wallet intervient pour signer les transactions sur la blockchain, tout en offrant plus de sécurité que les mécaniques exploitées jusqu’à présent.
Dans le même wallet, vous pouvez créer autant de comptes et d’identités que vous voulez. Vous pouvez fractionner vos vies », détaille Frédéric Vieren. Pour les acteurs du marketing, ces spécificités sont synonymes de complexité.
Mais les wallets, dont le plus répandu est Metamask, riment aussi avec complexité pour les utilisateurs. « L’adoption est très lente ». Un acteur comme Arianee s’efforce d’ailleurs de simplifier le processus de création d’un wallet. Chez Casino, pour le Club Leader Price, une mécanique simple a ainsi été développée conciliant QR Code et application mobile en marque blanche.
Demain le débat de la data émotionnelle dans le marketing ?
Un wallet ne signifie pas néanmoins l’impossibilité pour les marques de collecter des données, même si celles-ci seront attachées à une adresse de wallet plutôt que directement à un individu. Et les transactions seront stockées sur les blockchains, dont « la plupart sont lisibles par tout le monde ». Reste à y associer une identité.
Pour des éditeurs comme Salesforce, il est donc essentiel de fournir les moyens de cette réconciliation aux entreprises. La firme américaine y travaille en augmentant sa capacité à traiter de grands volumes de données.
Sur la partie Web3, elle a co-développé avec une agence un programme de fidélité, Club Soda 3.0, pour Scotch & Soda en exploitant des NFT. Pour la marque, c’est donc un nouveau canal de collecte de données qui se met en place.
La bataille est déjà lancée pour capter les meilleures données et les plus utiles pour les marketeurs », souligne le CEO d’Havas Play.
Reste à voir comment les éditeurs du Web3 respecteront leur promesse d’origine consistant à redonner le pouvoir aux utilisateurs. L’émergence de nouveaux terminaux d’accès au metaverse, comme des lunettes connectées ou de réalité augmentée, pose aussi la question de la collecte de données dites émotionnelles.
Meta a en effet déjà déposé un brevet pour analyser les émotions via la collecte de données biométriques (dilatation de la pupille, larmes, sourire…) via des lunettes connectées.
Ces données sont mille fois plus importantes que la plupart des données sur lesquelles on se repose pour faire du marketing », commente Stéphane Guerry.
L’expert anticipe ainsi l’émergence de l’ère de « l’emotional data marketing”, qui promet d’être “éthiquement très délicate ».
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