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Alban Vendeuvre, Lugh : « Il y a un marché à saisir sur les cas d’usage crypto »

Alban Vendeuvre, COO de Lugh
Alban Vendeuvre, COO de Lugh

Le stablecoin euro LUGH (EURL) amorce la phase 2 avec le retrait de jetons sur les wallets externes, le listing auprès d’exchanges, l’accroissement de la liquidité et le développement dans les paiements. Entretien avec le COO de Lugh.

 

La capitalisation totale des stablecoins avoisine les 180 milliards de dollars. Plusieurs de ces jetons, comme l’USDC et l’USDT, se positionnent parmi les premières cryptomonnaies. Les stablecoins sont un rouage essentiel de l’écosystème crypto et notamment de la DeFi. Les champions du secteur partagent un point commun : tous sont adossés au dollar.

En effet, sur le marché, les stablecoins dollar font aujourd’hui là loi, répliquant la domination du dollar américain sur le marché des devises fiat. Malgré les appels à la création d’un équivalent euro, ces projets tardent à émerger. Néanmoins, une cryptomonnaie adossée à l’euro existe déjà depuis un an en France : $EURL de Lugh.

Les cas d’usage crypto avant la fidélité

Pour ce rendre ce lancement possible, plusieurs acteurs mondiaux se sont associés : le groupe Casino, Société Générale, PwC, Nomadic Labs, Coinhouse et SCEME. Si le projet crypto reste discret depuis son lancement, il n’en poursuit pas moins sa croissance. Et 2022 pourrait être une année charnière pour Lugh.

Les priorités ont cependant un peu évolué depuis la création. L’ambition initiale était de faire du token un actif de paiement et à destination des programmes de fidélité des entreprises. Depuis, le marché des crypto-actifs s’est largement démocratisé, dont celui des stablecoins.

Lugh se fixe donc comme objectif de privilégier d’abord les cas d’usage crypto, dont les paiements. La fidélité viendra dans un second temps, une fois le token bien installé dans le paysage fintech. C’est la feuille de route que se fixe l’entreprise, dont l’actionnaire principal demeure Casino, comme le confie à Coins.fr le COO de Lugh, Alban Vendeuvre.

L’ambition en commençant par ce cas d’usage purement crypto était de s’aguerrir dans ce domaine technologique et de construire les bases qui nous permettent d’imaginer les futurs usages du stablecoin”, souligne-t-il.

Et au cours de l’année écoulée, les équipes de Lugh se sont aussi attelées à défricher le terrain juridique et réglementaire des stablecoins. Ce champ est d’ailleurs loin d’être totalement labouré en Europe.

Un souci de la régulation pour séduire les entreprises

Contrairement à d’autres stablecoins américains moins soucieux de la régulation, Lugh construit ses usages en accord avec les régulateurs. « C’est un parti pris fort de Lugh. Notre stratégie est de rester toujours transparent vis-à-vis du régulateur », insiste le dirigeant. Cet axe constitue même un argument concurrentiel, en particulier dans une optique de développement auprès des entreprises et dans les paiements.

Les références de Lugh aux États-Unis sont par conséquent l’USDC et l’USDP de Paxos. L’USDT, troisième cryptomonnaie en capitalisation, n’est volontairement pas citée par Alban Vendeuvre. Le stablecoin de Tether ne fait en effet pas les joies des autorités et l’entreprise a d’ailleurs été condamnée par la CFTC à une amende de 41 millions de dollars.

Lugh se rêve un succès à l’USDC sur le marché euro. « Avant d’imaginer des cas d’usage plus ancrés dans la vie de tous les jours, c’est-à-dire autour de la fidélité et des paiements, nous pensons qu’il y a un marché à saisir sur les cas d’usage crypto », fixe comme cap le COO. « Et la conjoncture actuelle nous pousse aussi à poursuivre dans cette voie », ajoute-t-il.

Durant sa première année d’existence, Lugh a balisé le terrain et énormément développé sa plateforme. Elle permet à des corporates, des brokers, des exchanges, des modules d’on-ramp de pouvoir acheter notre stablecoin de manière simple via une interface utilisateur. Ils peuvent ainsi, comme sur le modèle de Circle, se charger en stablecoin. Nous avons beaucoup avancé dans ce domaine pour proposer une plateforme d’achat-vente optimale”.

Ethereum pour atteindre exchanges, wallets et DeFi

C’est dans l’univers de la crypto-monnaie que se situent les grands usages des stablecoins et leurs utilisateurs, en attendant une plus large démocratisation auprès du retail, entre autres. L’ambition pour cela est donc de développer l’utilisation du token pour l’achat d’actifs numériques, comme des NFT sur la blockchain Tezos.

Le listing sur un nombre croissant d’exchanges est également une priorité. Actuellement, Coinhouse reste le principal distributeur du jeton $EURL. Toutefois, l’entreprise indique à Coins.fr avoir signé auprès de « plusieurs exchanges et modules on-ramp ». L’identité de ces partenaires n’est pas encore officialisée.

Grâce à ces accords, l’EURL pourra donc être utilisé hors de l’écosystème Coinhouse. Car pour accroître ses usages et sa liquidité, Lugh a besoin de partenaires. Actuellement, la capitalisation avoisine les 9 millions d’euros, une goutte d’eau par rapport aux stablecoins principaux.

Pour grandir et se mettre au niveaux des autres cryptomonnaies, Lugh doit également étoffer ses fonctionnalités, en permettant en particulier aux jetons d’être retirés sur un wallet. A ce jour, cette possibilité n’existe pas. Techniquement, la fonction est prête, mais Lugh a dû au préalable obtenir l’aval des régulateurs (ACPR et AMF en France). C’est désormais chose faite. Et c’est cet aval qui l’autorise aussi à être listé en-dehors de Coinhouse et à un usage pour l’acquisition de crypto-actifs, dont des NFT.

Discussions avec Ledger et son écosystème Dapps

Listing étendu et retrait sur des wallets « arrivent », nous confirme Alban Vendeuvre. Et l’arrivée sur la blockchain Ethereum s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement de ces évolutions. L’ambition du stablecoin est bien d’être cross-chain, même si chez Lugh on se félicite de « la traction sur Tezos, grâce notamment à la vague NFT ». Mais sur le marché des exchanges, le standard Ethereum (ERC-20) dicte la stratégie et prime sur celui de Tezos (FA2).

Avec le standard Ethereum, Lugh s’ouvre aussi l’accès aux principaux wallets, ceux des exchanges comme les wallets externes tels que Metamask ou les wallets hardware du Français Ledger.

Idéalement, il faudrait que notre stablecoin puisse être utilisé au sein des Dapps lancées sur Ledger. Sans trahir de secrets, Ledger étant un acteur européen, nous avons tout intérêt à discuter avec eux. Et c’est ce que nous faisons”, confie Alban Vendeuvre.

L’étape Ethereum ne signifie pas cependant une prise de distance à l’égard de Tezos. Au contraire, assure le porte-parole de Lugh, qui rappelle que l’entreprise est très attachée à sa forte communauté présente sur Tezos et au potentiel de son écosystème. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, Lugh est depuis 2022 corporate baker de la blockchain Tezos.

Lugh annonce qu’il continuera de développer des cas d’usage sur le réseau. Celui-ci ne dispose cependant encore d’un écosystème DeFi aussi riche que celui d’Ethereum. Outre la compatibilité avec les solutions de custody et de wallet des exchanges crypto sur Ethereum, l’EURL peut aussi à terme viser des usages DeFi.

Massifier la liquidité du token $EURL

Le roadmap 2022 est claire : augmenter la liquidité sur le marché crypto, la « massifier » même pour tirer la marketcap et explorer les cas d’usage autour du paiement, d’abord pour l’acquisition d’actifs tokenisé.

Plutôt que de passer par des tokens volatils, nous estimons qu’il y a un vrai intérêt à passer par un stablecoin, aussi bien pour l’acheteur que le vendeur”, justifie le COO.

Cet usage répondrait notamment à l’intérêt de nouveaux entrants potentiels, retail et corporate, sur le marché des NFT. Ces utilisateurs s’affranchiraient des risques liés aux cryptomonnaies volatiles via un paiement en stablecoin, voire directement en fiat. Lugh aurait ainsi la possibilité de se développer auprès d’une cible B2B, voire institutionnelle. L’entreprise compte en effet comme partenaire Société Générale, maison-mère de SG Forge, intéressée par le potentiel des stablecoins euro.

Nous sommes assez proches de notre partenaire bancaire. Nous avons des discussions en cours. Mais à ce jour, pas d’avancées ou de projets concrets à communiquer”, élude Alban Vendeuvre.

Naturellement, Lugh échange et « réfléchit à des synergies » avec d’autres entités de Casino, actives dans la crypto, comme Monoprix avec les NFT et Leader Price avec The Sandbox. De fait, le président de Lugh, Nicolas Joly, coordonne les actions du groupe Casino sur le métaverse

Métaverse et NFT : des synergies au sein du groupe Casino

Au travers d’un jeu développé sur une parcelle virtuelle dans le métaverse, le Club Leader Price permet aux joueurs de remporter des bons d’achat et de réduction utilisables en magasin. Il paraît crédible d’imaginer, grâce à la compatibilité avec Ethereum, que ces bons soient crédités en Lugh.

« Oui, on peut » l’imaginer, esquive cependant le directeur des opérations de la société. « Nous n’avons pas de calendrier à communiquer » quant à l’annonce de possibles projets au sein de Casino. Même stratégie de communication donc que pour les partenariats, « principalement des acteurs européens ».

Avec sa récente implantation en Europe, FTX devient d’ailleurs un candidat potentiel. Lugh, présent au Paris Blockchain Summit, aura l’occasion de rencontrer l’exchange et ses concurrents. C’est de fait une des raisons de sa présence lors de l’évènement.

Bitpanda, fondé en Autriche, en un autre interlocuteur possible. « Le rêve serait que notre stablecoin euro soit listé chez Bitpanda. Ce serait un alliage fort avec un acteur européen de premier plan », reconnaît Alban Vendeuvre. L’appel du pied est lancé. Peut-être Giulia Mazzolini, DG de Bitpanda France, pourra-t-elle transmettre l’invitation à Paul Klanschek, PDG et cofondateur du broker autrichien.

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr