Table ronde – Dirigeants et experts de l’innovation de divers secteurs s’intéressent de très près au métavers et au potentiel de la tokenisation d’actifs. Témoignages de Axa France, Bouygues Telecom, Monnier Paris et Coinhouse.
Les projets et expérimentations menés dans différents secteurs de l’économie le démontrent : le métaverse interpelle les entreprises et leurs décideurs. La diversité des marques détentrices de parcelles sur The Sandbox en est une autre illustration.
Et même si la phase de maturité du metavers est prévue pour 2030 par Gartner, les organisations engagent dès à présent des moyens pour acculturer leurs collaborateurs ainsi que les consommateurs.
Des transformations à surveiller pour les Comex
Casino et ses entités, dont Monoprix, investissent dans les usages du metaverse, de la crypto et plus largement du Web3. Ce ne sont pas les seules entreprises en France, comme en témoignent les participants de la table ronde animée par Coins.fr dans le cadre de la conférence IMAgine Day Métavers.
Dans les télécoms, les initiatives demeurent timides sur le Web3, constate Philippe Kerignard, Head of innovation de Bouygues Telecom. Promotion de la 5G dans le métavers, vente ou airdrop de NFT, mais « pas de services télécoms purs ». L’Asie semble en revanche en avance dans ce secteur.
Des opérateurs comme SK Telecom et NTT Docomo ont directement créé leur propre métavers. Ils concurrencent des entreprises comme Meta. Ce qu’ils font est assez impressionnant”, souligne l’expert.
Sur l’axe de la tokenisation, il appelle en outre les dirigeants à se montrer très vigilants à l’égard des nouveaux business models en cours d’émergence et dont le développement échappe souvent aux acteurs traditionnels.
Appréhender les technologies et les usages
En effet, ces projets et leurs communautés interagissent généralement sur des canaux comme Discord et Telegram, situés sous le radar des cellules veille des entreprises. Des disruptions soudaines ne sont ainsi pas à écarter. Dans les télécoms, cette concurrence nouvelle pourrait venir de la tokenisation des données mobiles par des opérateurs virtuels, des MVNO.
« Des utilisateurs vendent sur le second marché, sans que nous le sachions nous opérateurs, leurs Go non consommés (…) Cette tokenisation peut avoir des impacts et une capacité de disruption considérables », insiste Philippe Kerignard. Ce potentiel est pris en compte au sein d’Axa France.
Nous avons bien conscience qu’en allant dans le métavers en 2022, nous nous situons dans une phase très exploratoire (…) Nous observons cependant une évolution des usages, à l’origine du monde du jeu vidéo vers d’autres usages (…) Nous croyons au métavers au sein du département innovation, sans cependant surestimer le court terme”, déclare Cyrille Magneto, VP Innovation de l’assureur.
« Il est important d’y aller rapidement pour mieux en appréhender les technologies et les usages. Le but est d’être prêt, d’être parmi les premiers à en tirer parti d’ici quelques années », justifie le cadre d’Axa.
S’inscrire dans un écosystème en construction
Pour confirmer sa conviction, Axa France a notamment acquis une parcelle dans The Sandbox.
Planter son drapeau dans une plateforme comme The Sandbox inscrit véritablement l’entreprise dans une logique d’apprentissage (…) Mais ce n’est pas tout d’acheter un terrain. Nous avons donc aussi construit notre présence. Cela nous donne l’occasion également de promouvoir notre marque dans ces écosystèmes et d’y faire des rencontres”, détaille Cyrille Magneto.
Dans cette logique d’écosystème, le VP innovation est ainsi membre de la NFT Factory, dont le but est d’évangéliser les usages des NFT et de développer des ponts entre fournisseurs et entreprises d’autres secteurs.
Ces liens sont en outre l’opportunité pour de grands groupes d’identifier « des talents tech. C’est la guerre des talents. Les bénéfices liés à la présence sur les métavers sont multiples ». Cela vaut également pour l’industrie du luxe, dans laquelle évolue le site e-commerce Monnier Paris.
Pour sa directrice, Diaa Elyaacoubi, l’enjeu du Web3 est celui de la conquête des consommateurs de demain, ceux de la génération Z. Le distributeur, décrit comme « une plateforme tech », a donc mené plusieurs projets autour des NFT, de la crypto et du métavers, dont la création d’un stand lors de la fashion week organisée dans Decentraland.
Développer une culture Web3 et une maîtrise technologique
Nous avons tenté de convaincre un certain nombre de nos partenaires marques, dont une grande partie s’est montrée très réticente. Il y a donc tout un travail d’évangélisation à mener sur ces sujets”, témoigne la CEO.
Par ses initiatives, Monnier Paris entend ainsi se positionner comme un partenaire de ses clients marques sur le Web3. L’enjeu est aussi interne et ainsi de développer la culture et la maîtrise des compétences crypto et Web3 parmi les collaborateurs.
Il est très important de construire le mindset de l’entreprise autour de ces nouveaux outils : de mettre Discord au cœur de notre dispositif IT, d’inscrire NFT et play-to-earn dans notre programme de fidélité”, détaille Diaa Elyaacoubi.
Il est par conséquent stratégique d’agir dès à présent pour anticiper les révolutions prochaines. « On surestime toujours les impacts à court terme, à 2 ou 3 ans. Et au contraire, on sous-estime ceux à plus long terme, à 10 ans (…) La blockchain va bouleverser un certain nombre de business model. Et si vous n’avez pas su prendre le train de la transformation, vous prenez le risque de le manquer définitivement », prévient la patronne de Monnier Paris.
Finance et paiements promis à une mutation en profondeur
Dans la finance aussi, la tokenisation des actifs s’annonce comme une révolution. Il ne faudrait pas oublier les paiements également, précise Nicolas Louvet, CEO de Coinhouse. « Le métier de l’asset management est aussi en train d’apprendre ce que la tokenisation peut permettre », ajoute le dirigeant du broker français, soulignant en outre l’institutionnalisation croissante de la crypto.
« La crypto va rentrer dans les produits traditionnels, l’assurance-vie notamment, et accompagner la gestion de portefeuille classique », anticipe Nicolas Louvet dans le cadre d’une complémentarité entre finance traditionnelle et sur actifs numériques. Les transformations ne sont pas que futures cependant.
L’activité de Coinhouse l’illustre. L’entreprise, qui levait 40 millions d’euros cet été, développe ses missions au-delà de l’investissement dans la cryptomonnaie pour accompagner des acteurs de secteurs très divers dans leur adoption du métavers et des paiements Web3.
Nous avons accompagné depuis le début de l’année 18 grands groupes dans l’acquisition de Lands dans TheSandBox ou Decentraland. Le plus connu est Carrefour, mais la plupart sont des groupes du CAC 40 / SBF 120 et certains sont internationaux”, confie Nicolas Louvet.
Parmi ces clients, Coinhouse compte des grandes marques de luxe ou de fashion, de l’automobile ou des médias. Ces sociétés ont recours à un partenaire pour gérer les paiements reçus en crypto, c’est-à-dire off ramp.
Des services crypto pour des centaines d’entreprises en 2023
Gestion de wallets pour la vente de NFT ou l’encaissement de tokens, conversion instantanée crypto/fiat, reporting de transactions… le PDG estime qu’en 2023, « des centaines d’entreprises de belle taille viendront à ces services ».
On ne voyait pas cela, il y a 3 ou 4 ans. Nous ne l’avions pas totalement imaginé. C’est très intéressant de voir des entreprises avec lesquelles nous n’avions aucune discussion, dans l’assurance et dans la banque par exemple, se diriger à présent vers le Web3 et la blockchain”, se félicite Nicolas Louvet.
Une phase d’acculturation reste néanmoins encore à mener. Et elle commence bien souvent par une étape « de déconstruction », constate Philippe Kerignard.
Le métavers, ce n’est pas que Facebook en 3D (…) Les NFT, ce n’est pas des singes moches qu’on achète 1 million d’euros (…) Les cryptos ne sont pas qu’un truc pour acheter de la drogue et détruire l’environnement”, ironise le responsable innovation.
Bien sûr, précise-t-il, l’impact environnemental du métavers est réel, ne serait-ce qu’en termes d’émission générées par la consommation des réseaux cellulaires. Le mint de NFT génère lui aussi des émissions de CO2. Cette création dépassait même, encore récemment, l’impact de la fabrication d’un tee-shirt physique, par exemple.
Cependant, des évolutions technologiques permettent de réduire ces coûts énergétiques et environnementaux, dont la migration d’Ethereum du PoW au PoS.
Le volet C02 est un sujet. Il ne faut pas l’occulter. Cependant, je ne pense pas qu’une industrie, en une nuit, soit capable de diviser son empreinte carbone par un tel facteur”, conclut Philippe Kerignard.
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