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La France n’est pas encore un hub crypto, mais elle a des atouts

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Crédit : Adobe

L’Europe est devenue une zone particulièrement active sur la crypto, malgré des événements marquants dans l’industrie en 2022. La France n’a pas à rougir dans ce contexte. Analyse avec Alexandre Eich Gozzi de Chainalysis.

 

L’année 2021 fut record à bien des égards, et notamment sur les levées de fonds et les valorisations. En comparaison, 2022 peut apparaître comme un brutal coup d’arrêt pour la crypto et ses usages financiers. Outre le bear market, le secteur et ses entreprises ont été rudement touchés par des catastrophes industrielles comme FTX.

En début d’année, une étude évaluait la part des Français ayant investi dans les crypto-actifs à 8%. Elle anticipait une hausse à 12% fin 2022. Les évènements de 2022 pourraient cependant freiner l’adoption.

Interrogé par Coins.fr, Alexandre Eich Gozzi, Senior Account Executive chez Chainalysis, souligne que la faillite de FTX a un « impact global sur l’écosystème ».

Alex Eich Gozzi chainalysis

Alexandre Eich Gozzi, Senior Account Executive chez Chainalysis

L’Europe en tête de l’adoption des cryptomonnaies

Cet épisode engendre « un manque de confiance envers certains acteurs crypto », poursuit-il. La défiance est incontestablement un obstacle à l’adoption et à la démocratisation d’usages émergents. Les épisodes Luna, 3AC, Celsius et désormais FTX menacent ainsi une dynamique jusqu’alors positive.

Car, comme l’observe l’éditeur américain Chainalysis, l’Europe (centrale, du nord et de l’ouest) se positionne « en tête de l’adoption des cryptomonnaies. C’est la région la plus active en termes d’utilisation ». Et sur cette zone, la France se classe en 3e place, avec un volume de transactions d’environ 150 milliards de dollars (juillet 2021 à juin 2022). Le Royaume-Uni peut à ce jour plus légitimement prétendre au statut de hub crypto avec 233 milliards. Il devance l’Allemagne (180 Mds$).

Au niveau mondial, selon l’Index crypto réalisé par Chainalysis, la France occupe donc la 32e position. Elle a par conséquent un long chemin à parcourir pour revendiquer un rôle moteur dans l’adoption des technologies crypto, dont les NFT, dans une Europe très active, au niveau macro. L’hiver en cours freine-t-il néanmoins ce développement ? L’expert élude quelque peu, préférant insister sur le maintien de la croissance.

En France, la croissance du nombre de transactions on-chain a progressé de 13%. En Europe, en général, cette hausse se situe dans une fourchette allant de 1 à 40%. L’Allemagne se situe dans le haut de la fourchette à +47%. Une particularité avec les Pays-Bas dont l’activité a reculé d’environ 3% », chiffre Alexandre Eich Gozzi.

La fiscalité, un moteur de croissance en France ?

Pour expliquer cette dynamique en Allemagne, Chainalysis avance une hypothèse : son régime d’imposition et une taxe à 0%. Cette disposition « incite plus d’individus à opérer des transactions et à investir ». Des effets comparables en France ne sont pas à exclure si, comme le suggérait Bruno Le Maire, le gouvernement révise en 2023 le régime fiscal des crypto-actifs.

« De tels facteurs peuvent avoir une incidence sur l’adoption des cryptomonnaies dans un pays », note le spécialiste du secteur privé, qui est aussi intervenu en 2016/2017 en tant que consultant DLT au sein de la BCE. Une évolution fiscale de la crypto en France ne figure cependant pas encore à l’agenda officiel du ministère des Finances.

Mais que ce soit dans l’Hexagone ou sur d’autres marchés, la crypto (DeFi, NFT…) a aussi besoin d’autres leviers que l’action politique. Les institutionnels constituent ainsi un moteur capital. Et pour Chainalysis, cette « traction » est réelle.

Ils sont de plus en plus à se lancer, à expérimenter. Certains commencent à émettre des NFTs, et notamment parmi les entreprises du CAC40. Ces initiatives favorisent l’adoption et contribuent aussi à sensibiliser le public connecté à ces marques et à leur actualité », indique Alexandre Eich Gozzi.

Ces expérimentations et ces projets participent à placer la France dans « le trio de tête en Europe sur le métavers, qui intéressent les industriels, mais aussi le monde de la distribution ». Ce marché reste néanmoins en devenir. Les achats de lands dans les mondes virtuels s’inscrivent principalement dans une démarche expérimentale et prospective.

NFT et DeFi attirent de nouveaux utilisateurs

Néanmoins, ces segments de la crypto que sont le metaverse, les NFT et la finance décentralisée (DeFi) contribuent à la croissance du secteur dans sa globalité, juge le cadre de l’entreprise.

La crypto a trouvé de nouveaux chevaux de bataille. Ces usages de la blockchain permettent d’attirer des utilisateurs qui ne sont pas nécessairement intéressés par la spéculation »

En ce qui concerne la DeFi, elle demeure naissante. Et la multiplication des hacks ces derniers mois peut ralentir là aussi son développement, s’ajoutant aux effets du bear-market. Les NFT ne sont pas étrangers non plus à la spéculation et les volumes sont donc en fort repli en 2022.

Pour Alexandre Eich Gozzi, la tendance est à la croissance de jetons non fongibles offrant une « utilité ». Chainalysis suit de près ces évolutions du marché pour proposer des produits adaptés, comme Storyline.

Bientôt mise à disposition, la solution permet de faire des enquêtes et de suivre l’historique d’utilisation des NFTs. Ce sont de multiples cas d’usage qui sont ainsi possibles grâce à ce type d’outils. »

La technologie offre, par exemple, la possibilité à des entreprises privées de collecter des informations sur l’utilisation (achats, ventes, prix…) de leurs propres NFT, « comme la manière dont ils circulent au sein du marché ». Elles disposent alors de leviers d’action afin de préserver leur réputation en cas d’usage potentiel par « des acteurs à risque ».

La traction des institutionnels dans la crypto

Côté secteur public, et en particulier des forces de l’ordre, Storyline est un outil au service des enquêtes, notamment pour des investigations liées à des vols de tokens. Chainalysis ne précise pas l’identité de clients publics intéressés. Sur le segment des entreprises, elle est en revanche autorisée à citer un client français, Société Générale Forge. Et ce n’est pas un cas isolé, assure Alexandre Eich Gozzi auprès de Coins.fr.

Sur le marché français, et partout en Europe, nous observons une vraie traction auprès du secteur privé. De plus en plus de banques s’intéressent à la crypto. Récemment, nous avons annoncé un partenariat avec Bank of New York Mellon sur le custody des actifs financiers. »

L’expert estime probable le lancement d’offres crypto de la part de ces acteurs bancaires au cours des 6 à 12 prochains mois « à l’échelon européen, et potentiellement en France ».

Les institutionnels s’y mettent de manière croissante. Et cette tendance se confirme au niveau des volumes, avec une part qui avoisine 70%. Aujourd’hui, les institutionnels sont les acteurs majeurs de la crypto. Et ce n’est pas très surprenant compte tenu de leur part de marché sur les actifs financiers traditionnels comme les actions. »

« A terme, la crypto migrera vers une économie de plus en plus institutionnalisée. La part du retail est amenée à décroître », souligne le Senior Account Executive de Chainalysis, qui l’illustre au travers de la représentation des institutionnels dans les volumes de Coinbase et Binance.

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Christophe Auffray
Cofondateur et rédacteur en chef adjoint - Journaliste spécialiste de la transformation numérique depuis 2005, Christophe a notamment été rédacteur en chef adjoint chez ZDNet. Il suit de près l’actualité autour des actifs numériques et la décrypte au quotidien. Contact : christophe@coins.fr